
En ruta con el comun, archivo y memoria de una possible constelacion
Auteur : Palmar Alvarez-Blanco
La constellation des communs
Le collectif coordonné par Palmar Álvarez-Blanco construit une archive alternative des pratiques autogérées et non capitalistes fondées sur la culture des biens communs.
École publique, santé publique, transports en commun, sécurité sociale… Pour la chercheuse espagnole Palmar Álvarez-Blanco, professeure au Carleton College dans le Minnesota et spécialiste des crises du système capitaliste, réaliser lors du mouvement des Indignés en 2011 que la plupart des jeunes revendiquaient comme une nouveauté ce qui pour sa génération avait été un service public garanti par l’État a été un choc. « Cette perception de la “nouveauté” de quelque chose de très familier m’a conduit à vouloir comprendre à quel moment quelque chose de central dans une biographie apparaissait comme un axe politique possible d’une transformation civilisationnelle et écologique », explique en préface la fondatrice de l’association internationale ALCESXXI, qui s’intéresse aux domaines éducatifs, culturels et de recherche menacés par le capitalisme. Palmar Álvarez-Blanco initie alors en 2017 un ambitieux projet de documentation d’expériences contemporaines, Constelacion de los Comunes (la Constellation des Communs). Un site avec des enregistrements audiovisuels, des podcasts mais aussi un livre, En ruta con el comun, archivo y memoria de una posible constelacion (2017-18-19) (En route avec les communs, archive et mémoire d’une constellaiton possible (2017-18-19)), publié sous licence Creative Commons, en libre téléchargement en ligne ou à commander au format papier aux éditions La Vorágine, basée à Santander – un mode de production qui s’inscrit dans la même démarche solidaire que celle qu’elle documente.
Au départ, le constat que les orientations néolibérales ont fait régresser le syndicalisme, réduit les aides sociales, la protection des travailleurs indépendants, précarisé les travailleurs indépendants, intensifié les discriminations fondées sur le sexe, la classe, etc. et dépolitisé la société. Et une question : pourquoi, « dans un prétendu État de droit, ce sont des personnes, en marge des institutions, qui répondent aux urgences et aux besoins » ?
Pour le collectif d’autrices et d’auteurs, chercheurs, activistes, acteurs institutionnels ou impliqués dans les économies sociales et solidaires, qui ont sillonné de 2017 à 2019 l’Espagne à la rencontre des acteurs sociaux mettant en pratique la culture des communs, ceux-ci représentent au contraire l’intérêt général. Des orientations ancrées dans les vécus : « Dans la revendication du commun, toute une série de tragédies, personnelles et collectives, sont présentes. » Tous ces acteurs ont en partage un engagement concret au service d’une vision politique, engagement qui se traduit par une praxis en mouvement. Le commun, c’est une pratique quotidienne, un « élan vital, un mode de vie et une position politique non capitaliste, responsable, solidaire et engagée pour un projet de vie écologique, juste et durable, où les mêmes conditions matérielles et les mêmes possibilités sont accessibles à tous. »
« Mettre le « je » au pluriel »
Onze thèmes traversent les 44 entretiens avec les initiateurs et initiatrices de projets aux noms porteurs de riches imaginaires (Pandora Mirabilia, Libros en Accion, El Salto, Colaborabora, Wikitoki, OVNI, Sosterras, La Tribu Suguru, Autofabricantes…), de Madrid à Séville en passant par Valladolid, Bilbao, Saint Jacques de Compostelle, Barcelone et Santander : justice sociale, défense des droits fonciers, du droit à la santé et à l’autonomie, de l’égalité entre hommes et femmes, du droit à un travail digne, des droits des personnes, du droit au travail, des droits des migrants, du droit à un logement décent, du droit à une éducation à tous les stades de la vie, du droit à une éducation aux médias et à l’information, mais aussi artivisme comme forme d’expression politique et exploration de nouvelles formules politiques et économiques.
L’objectif n’était pas de choisir des expériences représentatives, mais de se mettre à l’écoute d’une diversité d’expériences pratiques et de propositions concrètes autour de cette question partagée : « Dans quel monde voulons-nous vivre ? » La retranscription de ces entretiens passionnants et riches a supposé une attention particulière à la méthodologie et à la manière de faire apparaître les règles similaires. En effet, aucun interviewé n’est inventeur du concept de communs, mais le recrée selon sa perception. Les choix d’écriture cherchent donc à situer les interviews, à articuler les dimensions individuelles et collectives, les aspects institutionnels et sociohistoriques, à éviter de plaquer artificiellement un cadre théorique sur ces pratiques, et à réhumaniser les sciences humaines en y intégrant la « matérialité de la vie », en revendiquant la continuité entre action, pensée, émotion et imagination. En effet, le livre n’est qu’une facette de la cartographie et de la constitution de l’archive présentée en ligne. Une archive interrogeant les conditions de sa propre production, pour ne pas être, comme une archive conventionnelle, un « mécanisme de pouvoir » reproduisant les hiérarchies : une « anarchive », plutôt, se voulant lieu de rêve, de partage et de débat, pour « court-circuiter les mécanismes de production, d’autorisation et de stockage de la relation de pouvoir et de savoir ». D’où l’image du rhizome, de la constellation, transversale, complexe, interdisciplinaire et ouverte, revendiquant au final le droit à l’imaginaire pour penser hors des cadres établis et ouvrir les horizons. « L’urgence des réponses n’est pas seulement légale, juridique, économique et politique, c’est aussi une tâche culturelle. » À la doxa capitaliste et à ses ressorts individualistes reposant sur la concurrence et l’autoexploitation et qui génèrent isolement et inaction, les auteurs opposent le bon sens « lié à la conscience éthique appuyée sur des valeurs communautaires : entraide, solidarité, équité, hospitalité, soutien mutuel et reconnaissance », avec l’idée que « sans praxis, il n’y a pas de chemin ». Une approche « polyéthique pour le XXIème siècle », qui considère la politique comme « une éthique du collectif » et rappelle à l’État sa vocation à servir la population plutôt que les exigences du marché.
Kenza Sefrioui
En ruta con el comun, archivo y memoria de una possible constelacion (2017-18-19)
ss. dir. Palmar Alvarez-Blanco
La Voragine, 587 p., licence Creative Commons
Disponible en ligne en espagnol sur : http://https://constelaciondeloscomunes.org/en-ruta-con-el-comun/
Et en anglais sur : https://constelaciondeloscomunes.org/en/in-route-with-the-commons/
Entretien avec Mohamed Tozy : Macro et micro-politique des territoires au Maroc
SOMMAIRE :
LE TERRITOIRE COMME CONCEPT
Une notion largement utilisée, souvent même galvaudée, le territoire reste tout de même incontournable.Quelle est votre approche de cette notion?
Quel est l’état de cette notion dans le contexte marocain?
Que s’est-il passé pour que le territoire soit imposé comme élément politique au Maroc
QUI CONTRÔLER, HOMMES OU TERRITOIRES ?
Si la question de contrôle des territoires était jusqu’alors mineure, comment s’opérait le contrôle des hommes pour exprimer le pouvoir politique ?

Claude Courlet
Professeur émérite des universités ; Président honoraire de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble. ...
Voir l'auteur ...Abdelhak Kamal
Abdelhak Kamal est Professeur Habilité en Economie à la Faculté d'Economie et de Gestion de l'Université Hassan 1er. Il est titulaire d'un Ph.D. en Économie à l'Université de Toulon et d’un Master recherche en Économie Spatiale à l'Université d'Aix-Marseille. Il est Qua...
Voir l'auteur ...L’inscription nécessaire du territoire au coeur du Nouveau modèle de développement : des orientations stratégiques face aux défis de la cohésion territoriale
Le territoire est un réceptacle où s’accumulent les effets de mouvements à long terme, les tendances de fond et les impacts des décisions nationales et/ou supranationales. Les défis sont tels qu’il devient nécessaire de définir les contours d’un modèle d’aménagement à même de contribuer à la révision en cours du Nouveau modèle de développement (NMD).

Aziz Iraki
Aziz Iraki (Rabat, Maroc, 1953) est architecte-géographe, professeur à l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme de Rabat. Ses recherches et études portent sur les questions de développement rural autour de l’évaluation des politiques publiqu...
Voir l'auteur ...Abdelhak Kamal
Abdelhak Kamal est Professeur Habilité en Economie à la Faculté d'Economie et de Gestion de l'Université Hassan 1er. Il est titulaire d'un Ph.D. en Économie à l'Université de Toulon et d’un Master recherche en Économie Spatiale à l'Université d'Aix-Marseille. Il est Qua...
Voir l'auteur ...Mohamed TAMIM
Mohamed Tamim est économiste et géographe. Il est enseignant chercheur à l’Institut National d’Aménagement et d’urbanisme à Rabat depuis octobre 1981. Il est aussi un des membres fondateurs de l’association Targa-aide de recherche-action pour le développement. Ses principales a...
Voir l'auteur ...De la convergence de l’action publique dans les projets de développement humain
Cette contribution a pour objectif d’identifier et d’analyser et les dysfonctionnements de la convergence de l’action publique au niveau local au Maroc, particulièrement des programmes et projets « PPA » couvrant différents secteurs du développement humain (santé, éducation, jeunesse et sport, eau potable, assainissement, routes…), et des mécanismes explicatifs à travers des études de cas, mettant les différents acteurs en situation.

Mohamed TAMIM

Larbi Jaidi
Professeur affilié à la Faculté de Gouvernance, des Sciences Économiques et Sociales (FGSES) de l'Université Polytechnique Mohammed VI (UM6P). Son expertise en recherche se concentre autour de l'économie internationale, des politiques économiques, des relations...
Voir l'auteur ...La cohésion socio-spatiale : quels impératifs pour la cohérence des politiques publiques ?
L’ambition de cette communication est d’apporter un éclairage sur le lien entre la cohésion des territoires et la cohésion sociale à partir de l’étude du cas du Maroc. Les politiques publiques ont placé ce lien comme un enjeu central de la recomposition de l’action publique à travers de grandes réformes institutionnelles de l’organisation des territoires. La question abordée dans cet article concerne la dynamique du développement des territoires dans leurs rapports à la réduction des inégalités sociales.
La fabrique de l’arabité
Auteur : Yves Gonzalez-Quijano
‘Uruba, constellation en construction
Le dernier essai d’Yves Gonzalez-Quijano interroge les lieux et les processus d’élaboration d’une identité arabe non présupposée mais en projet.
‘Uruba. En arabe, le mot renvoie à la fois à une identité culturelle, l’arabité, et à un projet politique, l’arabisme. Pour le traducteur et spécialiste de littérature arabe Yves Gonzalez-Quijano, la disparition du second tel qu’il s’est exprimé dès la fin du XIXème siècle et jusqu’aux années 1970 – date en débat – n’a pas mis fin, bien au contraire, à l’expression de la première. Dans ce bref essai, bien documenté et d’une lecture accessible, les développements récents des moyens de communication et la production populaire témoignent d’un véritable dynamisme de la volonté d’être arabe et de se construire des références communes. En interrogeant les « convergences culturelles [et] sociétales » du Maroc à Oman, sans oublier l’apport des diasporas, l’auteur d’Arabités numériques (Actes Sud, Sindbad, 2012) insiste sur le fait qu’un imaginaire largement partagé par plus de 400 millions d’Arabes peut aboutir à la constitution d’un projet politique nouveau. Le livre ne porte pas sur les manières de refonder l’arabisme mais s’attache aux mécanismes historiques sur lesquels il s’est construit, ainsi que sur les leviers de sa potentielle réinvention que sont la culture populaire, le sport, les médias, etc.
Les nouvelles voix du roman national
Yves Gonzales-Quijano s’attache d’abord à démêler les concepts. Ainsi, l’arabisme est à distinguer fermement d’un projet religieux. D’abord en raison du nombre de chrétiens qui ont pensé la Nation arabe. Mais aussi du fait que la brève expérience du califat de Daech a rassemblé des combattants venus du monde non arabe – y compris du Chili ( ?!). Ce n’est pas non plus un projet institutionnel : en témoigne la marginalité aujourd’hui de la Ligue arabe – dont est exclue depuis 2011 la Syrie, pays que nul ne songerait sérieusement à ne pas considérer comme arabe. Une cause commune ? Le sort de la Palestine, bradée pour des normalisations avec Israël, permet d’en douter. Construit contre l’hégémonie ottomane et contre les colonialismes européens, ce n’est pas non plus un retour au passé, mais une construction moderne – « bien que fondée sur une lecture de l’histoire sans nul doute en partie mythique ». Pour l’auteur, le point d’achoppement premier de l’arabisme a été la question du territoire, du « foyer national ». Il fait des parallèles avec d’autres projets nationalistes de la même époque, comme le cas italien, et même avec le projet sioniste – sauf à dire que celui-ci supposait l’immigration de populations. Il souligne les obstacles dressés par les colons britanniques et français pour contrecarrer les projets unitaristes de coalition ou d’union qui faisaient leur chemin. Ainsi la Ligue arabe, créée pour « maintenir les divisions régionales au profit des tutelles mandataires », mais qui devint un temps « le support de l’identité arabe ». Yves Gonzalez-Quijano évoque aussi les rivalités, les marges, les ruptures. Mais c’est pour mieux souligner l’intensité des références identitaires partagées dans un « jeu d’allégeances multiples ». « De toutes manières, quand bien même s’accorderait-on à reconnaître que le projet unitaire arabe est à ranger définitivement au musée des idéologies révolues, cela ôterait-il quelque chose à son importance passée ? », s’interroge l’auteur. Si aujourd’hui l’arabisme peine à produire des représentations susceptibles de se traduire en projet politique, c’est ailleurs, estime-t-il, que se fabrique ce qui fait sens : l’arabité, comme référence revendiquée au-delà de la diversité des situations.
Plutôt qu’une identité présupposée qui ne pourrait être que mythique, Yves Gonzalez-Quijano considère l’arabité comme un discours en construction, porté depuis plus d’un siècle par différents canaux de production culturelle. Il insiste à juste titre sur le rôle des médias dans l’élaboration d’un nouveau « contrat social » reléguant au second plan les liens du clan, de la tribu, de la lignée. Presse imprimée, radio, télévision, télévision satellitaire puis internet et réseaux sociaux… il inventorie les canaux rendant possible de surmonter les divisions politiques et de constituer une opinion partagée – même si l’expérience d’Al Jazeera fait apparaître une tension entre deux pôles, « l’un hyperlocal […] et l’autre suprarégional et même global ». Yves Gonzalez-Quijano salue ces évolutions technologiques comme « une solution inédite par rapport aux expériences du passé : faute d’une capitale opérant comme un lieu central d’émission rayonnant dans toute la région, il reste toujours possible d’imaginer un roman national arabe (se) diffusant de manière réticulaire, à travers les multiples canaux d’une constellation d’acteurs utilisant les réseaux sociaux numériques. »
Il consacre ensuite un développement à la question linguistique, avec la « réelle continuité, du moins au niveau des élites », d’une langue littéraire commune, soutenue par les progrès de l’alphabétisation, les évolutions des langues nationales et la présence des autres langues (amazighe, kurde, anciennes langues coloniales ou internationales…). Il souligne très justement la porosité, dans les pratiques quotidiennes, entre le pôle relevé et le pôle vernaculaire.
Enfin, il inventorie les « symboliques de l’arabité ». L’absence d’un drapeau ? « une carence de signe qui est aussi, paradoxalement, une manifestation de son existence ». La littérature ? C’est surtout par la poésie, plus que par le roman, malgré Jurgi Zaydan et al-Kawakibi, par la poésie, notamment celle de Mahmoud Darwich, que s’est manifesté le « rêve arabe ». Par la musique aussi : Yves Gonzalez-Quijano revient sur les opérettes et comédies musicales populaires, interprétées par des figures majeures comme Oum Kalthoum, Fairouz… Plus récemment, la téléréalité, les séries et la culture de masse voisinent avec la culture légitime. « Les résultats de ce laboratoire de la modernité arabe sont complexes, voire paradoxaux », entre chauvinisme et référence panarabe performative, basée sur « un accord tacite, en l’occurrence fonctionnel, autour de l’intercommunication régionale ». L’auteur se penche ensuite sur le foot, emblème s’il en est des rivalités mais aussi des affirmations de la solidarité arabe. Enfin, il met en perspective les développements récents de l’arabité dans le contexte de globalisation et surtout de glocalisation : « l’arabité de marché », voire la « McArabité », est à comprendre en comparaison d’une communauté de situations des moins enviables. « Si “l’arabisme, c’est exprimer dans un langage commun la même colère”, mots et maux, portés par une arabité toujours présente, n’auront jamais été autant partagés dans la nation des Arabes… » Dans un entretien accordé à Orient Hebdo sur RFI, Yves Gonzalez-Quijano insistait sur le fait que c’est bien de ces références et de ces sous textes partagés, y compris dans leur diversité, que peuvent naître les grandes constructions, bien avant qu’elles ne soient concevables politiquement. Comme cela a été le cas de l’Union européenne.
Kenza Sefrioui
La fabrique de l’arabité
Yves Gonzalez-Quijano
Diacritiques éditions, 165 p., 14 € / 180 DH






