Les évolutions du capitalisme depuis la seconde guerre mondiale instaurent, au nom d’une rentabilité absolue, une logique de destruction : du travail, de l’humain, et au final, de la vie.

Les évolutions du capitalisme depuis la seconde guerre mondiale instaurent, au nom d’une rentabilité absolue, une logique de destruction : du travail, de l’humain, et au final, de la vie.

Auteur : Jean-Paul Galibert

 

Cinglant. Le pamphlet de Jean-Paul Galibert grince d’amère ironie face à une réalité terrifiante. Le philosophe relève que dix mille suicides se produisent chaque année en France, soit un toutes les 40 minutes (deux fois plus que de morts sur la route) et que, malgré cela, la réduction du suicide n’est que le 92e objectif sur les cent que compte la loi de 2004 sur la politique de santé publique. Et d’en conclure que cette société « produit des suicides », est « suicideuse ». « Le suicide est le plus indétectable des meurtres sociaux » : pas de massacre, aucune contrainte, aucun coût, aucun risque pénal… c’est « la mort ultralibérale ».

Car c’est bien du système économique mondial qu’il s’agit. L’auteur souligne en effet que les employés et les ouvriers se suicident trois fois plus que les cadres. Le capitalisme traditionnel exploitait les travailleurs mais avait quand même un « double souci d’existence et d’humanité », qui rendait son exigence de rentabilité relative. La rupture date de la seconde guerre mondiale : « On prend tout à coup conscience que le patronat allemand a pu employer presque gratuitement les millions d’esclaves des camps de la mort, tandis que les bombes atomiques américaines révèlent que les démocraties elles-mêmes peuvent fort bien décider de détruire les humains par centaines de milliers » : les germes d’une « société d’extermination » sont semés, comme l’avait déjà relevé François Emmanuel dans son roman, La Question humaine (Stock, 2000 – adapté au cinéma en 2007 par Nicolas Klotz). « Auschwitz et Hiroshima ont sonné le glas de l’obligation proprement capitaliste d’assurer l’existence du travailleur en lui versant un salaire minimal ». L’heure est désormais à l’hypercapitalisme et à ses corollaires : l’hyperrentabilité, qui n’admet aucune charge ni responsabilité ; l’hyperdestruction, c’est-à-dire le démantèlement de l’appareil productif, puisque les usines ne subsistent plus que dans les pays de non droit tandis que les pays du Nord voient proliférer des activités de tourisme, loisirs, publicité, etc. ; enfin l’hypertravail, qui consiste à vendre au consommateur son propre travail imaginaire en lui faisant croire à l’hyperréalité, la réalité, si valorisée, des images et du virtuel.

 

Société d’extermination

Michel Foucault avec décrit les « sociétés de discipline », Gilles Deleuze les « sociétés de contrôle », on est désormais dans une société suicidaire, qui fonctionne sur la dépréciation systématique de l’humain, le réduisant à un consommateur aussi jetable que ce qu’il doit consommer. La liberté du consommateur après 1968 supposait une offre et des stocks énormes : « Au lieu de répondre à la demande, on s’est mis à la créer de toute pièce. A l’espoir, qui fait désirer à chacun ce qu’il veut, on a préféré le désespoir, qui fait que tous désirent la même chose ». Et pour ce faire, les médias de masse ont largement été mis à contribution. La télé, cette « glu des yeux et des cerveaux », vous persuade que votre vie est un échec ; Internet vous donne une « deuxième chance » : « vous pouvez réussir dans le virtuel tout ce que vous avez raté dans le réel, à condition d’imaginer et de payer. » Un « braquage », en somme. L’idéologie hypercapitaliste s’appuie aussi sur le « néofascisme d’entreprise », qui dévalorise les travailleurs par la précarité qu’il engendre, et qui, avec ses rythmes effrénés, donne des « ordres de négligence » dont le but est de faire « accepter d’avance toutes [les] morts possibles ». Autre levier : la peur. Jean-Paul Galibert note que « la moitié du temps et de l’espace de l’information est consacrée à l’entretien de la terreur » : OGM, pesticides, amiante, Fukushima, cancer, sida, Médiator… Car « la terreur fait bien vendre les journaux, bien regarder les télés, bien regarder les publicités […] bien consommer, bien voter ». Au « fétichisme de la marchandise » du capitalisme, l’hypercapitalime prône un « totémisme de la terreur ». L’auteur relève la multiplication des conduites à risque chez les jeunes, des jeux suicidaires dès l’école primaire et de la dépendance aux drogues – un « business » où l’Etat prélève des taxes allant parfois jusqu’à 80 % du prix de vente. Emblème de cette société d’élimination : la téléréalité « où il n’y a plus de gagnant, il n’y a plus que des survivants » et dont l’enjeu est d’isoler les gens chez eux. « Peu à peu, le caveau devient notre idéal de sécurité », ironise Jean-Paul Galibert, qui rapproche l’hyperamitié des réseaux sociaux, où l’humain se réduit à une liste d’amis virtuelle, de la liquidation des Indiens d’Amérique, parqués dans leurs réserves. L’isolement provoque en effet la dépression et l’autodestruction ? L’hypercapitalisme nie l’existence en tant que fait et la  transforme en un « bien extérieur », commercialisable donc périssable et soumise à approbation. Les travailleurs deviennent précaires ? L’hypercapitalisme « vous présente votre exploitation comme une joie désirable ». Tant pis pour les suicidés victimes de Monsanto ou de Coca-Cola.

Négation de tout, de l’humain comme de la réalité, ce système n’hésite pas non plus à tenter de détourner la révolte qui s’accumule à son encontre. « Il tente de faire passer le suicide, le fondement morbide de sa domination, pour l’expression même de la révolte ». La façon dont les médias relient les attentats-suicides, les immolations politiques et les tueurs fous est, pour Jean-Paul Galibert, le summum de l’indécence, car elle transforme les faits en « programmes de suicide-spectacle » : « Un pas de plus, et le grand capital va venir faire la révolution pour vous, chez vous, juste pour vous rendre service », ironise-t-il. Or présenter ainsi le suicide, comme une révolte « hypermédiatique, autodétruite, et prête à l’oubli », vise à faire oublier le syndicalisme, la loi et la lutte collective. A ce « nouvel ordre mondial » morbide, l’auteur oppose l’indignation, morale, collective et non violente. Et il rappelle le choix d’Hamlet, non entre une existence sans vie et une vie sans existence, mais entre l’art et la révolte. A nous de savoir trancher.

 

Par: Kenza Sefrioui

 

Suicide et sacrifice, le mode de destruction hypercapitaliste

Jean-Paul Galibert

Editions Lignes, 88 p., 13 €


La fiscalité au Maroc selon le conseil économique et social

La fiscalité au Maroc selon le conseil économique et social

Auteur : Conseil économique et social

L’un des documents les plus intéressants  réalisé par le  conseil économique et social  CES  aura été consacré à la fiscalité. Il s’intitule « Le système fiscal marocain, développement économique et cohésion sociale ».Publié au mois de novembre (2012), il a le mérite  d’avoir soumis au débat public la plupart des problématiques de la fiscalité marocaine et ce,  malgré toutes les limites et les insuffisances  qu’on pourrait imputer à un tel travail. «  Le système fiscal marocain souffre de carences importantes, dans sa pratique et la gestion de la relation entre l’Administration fiscale et les citoyens, ainsi que dans l’incivisme fiscal qui fait que de grands pans de l’activité et de nombreux contribuables continuent d’échapper à l’impôt. » Ainsi  le conseil qualifie-t- il  la situation. S’interrogeant sur la capacité du système fiscal à être un facteur favorisant la production nationale et dans quelle  mesure  l’impôt pourrait être perçu comme un facteur de création de lien social et de solidarité, il révèle  les soucis de ses rédacteurs ;  le déclin visible de la classe dite moyenne et ses effets sur le tissu social.

Le rapport part déjà d’un contexte  décisif, Les réalités du marché international exigent la réforme des mécanismes majeurs qui régulent l’économie marocaine : système fiscal, système de protection sociale, système de compensation, système de solidarité, système de péréquation régionale dans le cadre de la nouvelle politique de régionalisation... Ces mécanismes sont interdépendants affirme- t- il , parce qu’ils sont tous basés d’un côté sur le principe du prélèvement (impôts, cotisations sociales, taxes), et de l’autre sur les mécanismes de redistribution des ressources. l’actuel  système fiscal marocain est issu de la loi-cadre12 n° 3-83 relative à la réforme fiscale adoptée par la chambre des représentants le 20 décembre 1982.

La réforme des années 80 dont les principes ont été énoncés par et promulguée par le dahir n° 1-83-38 du 23 Avril 1984 ; elle s’est traduite par  un élargissement de l’assiette  et l’introduction de  la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) en 1986; puis  l’impôt sur les sociétés (IS) en 1988 et enfin l’Impôt Général sur le Revenu (IGR) en 1990. Depuis, de nombreuses réformes ont été introduites par les lois de finances successives de 2000 à 2011 dont le résultat a été:

  • Réforme des droits d’enregistrement en 2004
  • Amorce de la réforme de la TVA en 2005
  • Élaboration du livre des procédures fiscales en 2005
  • Élaboration du livre d’assiette et de recouvrement en 2006
  • Regroupement des textes fiscaux dans un même volume : le Code Général des Impôts édité en 2007
  • Intégration de la taxe sur les actes et conventions dans les droits d’enregistrement en 2008 ;
  • Élaboration de la note circulaire globale publiée finalement en 2011.

Aujourd’hui, le nombre des impôts et taxes n’est pas aberrent en soi (environ 79 recensés). A titre de comparaison, le système fiscal Français compte plus de 214 prélèvements obligatoires en 2008.Mais on s’interroge surtout sur son efficience et ses missions de régulations.

Comment les recettes fiscales se structurent aujourd’hui ? Tandis que la part des impôts directs dans l’ensemble des recettes fiscales connait une sensible régression (43% en 2011 au lieu de 45% en 2006), la part des impôts indirects dans l’ensemble des recettes fiscales passe de 38% en 2006 à 44% en 2011. Quant à la part des droits de douane, elle enregistre une régression en passant de 11% en 2006 à 6% en 2011.

Les recettes fiscales totales ont atteint 173,5 milliards de dirhams en 2010 au lieu de 167,3 milliards en 2009, soit plus de 6 milliards de dirhams de recettes supplémentaires. L’année 2011 a enregistré également des recettes additionnelles par rapport à 2010 de plus de 10 milliards de dirhams pour atteindre 184,3 milliards de dirhams.

 

Evolution de la structure fiscale

 

 2009

 2010

 2011

 Impôts directs

 41,5%

 35,9%

 36,9%

 Impôts indirects

 51,7%

 56,8%

 56,4%

 Enregistrement et             Timbre

 5,4%

 5,8%

 5,7%

 Majorations

 1,4%

 1,5%

 0,9%

 total

 100

 100

 100

Selon ce rapport la dominance des impôts indirects est conforme à la tendance observée dans certains pays développés ou en développement comme la France, Turquie et la Tunisie. En effet, en France, la TVA à elle seule nette des remboursements représente près de 51,33% des recettes fiscales.

Comment se présente la pression fiscale  au Maroc ? Si l’on croit ce rapport, elle est en train de  diminuer passant de 26,9% en 2008, à 22,8% en 2009 et 2010.A titre de comparaison, les recettes fiscales rapportées au PIB pour les pays analysés se présentent comme suit :

 

 

 Pays

 Maroc

 Tunisie

 Turquie

 France

 Espagne

 Roumanie

 Finlande

 Pression       fiscale

 22,80%

 21,20%

 22,00%

 42,90%

 31,70%

 19,10%

 42,10%

 

 

Mais à regarder de plus près, il y a quand même des déséquilibres flagrants dans notre système  .Au Maroc 82% des recettes de l’I.S proviennent de la performance de 2% des sociétés et 73% des recettes de l’I.R sont perçues sur les salariés du secteur public et privé. La faible contribution des personnes physiques non salariées (commerçants, entrepreneur exerçant à titre individuel, professions libérales) est très remarquée.

 

Evolution du nombre des contribuables

De même, la TVA ne touche pas de grands pans de l’activité économique. Des circuits entiers de production ou de distribution restent en effet en dehors du champ des impôts, alourdissant d’autant la part supportée par le secteur formel, et plus particulièrement les entreprises les plus transparentes.

Une autre remarque concerne spécifiquement la fiscalité locale, formée d’une multitude d’impôts et taxes, lourds à gérer et d’une faible rentabilité.

Au niveau des dépenses fiscales au Maroc le rapport constate notamment la prédominance des dérogations au profit des activités immobilières. Au nombre de 41 mesures, elles enregistrent une hausse de 22,0 % et représentent 16,9 % des dépenses fiscales évaluées en 2011. Les dépenses fiscales afférentes aux conventions conclues avec l'Etat se rapportant à l’exonération de tous impôts et taxes au profit des programmes de logements sociaux en cours, s’élèvent à 1.126 MDHS, dont 798 MDHS pour la T.V.A et 328 MDHS pour l'I.S.Les dépenses concernant l’agriculture sont estimées à 4,3 milliards de MAD et représentent 13,4% des dépenses fiscales totales, alors qu’elles ne présentent que  2% des recettes fiscales totales (hors TVA des collectivités locales).Le rapport expose la question de la fiscalité dans le secteur agricole . Il appelle à une étude approfondie pour la mise en place de la fiscalité agricole à lancer rapidement. Soulignant l’importance de l’évaluation régulière des effets du système fiscal en général ; Il a mis en exergue  la nécessité et la pertinence de la qualité de l’information sur les dépenses fiscales pour plus de contrôle de leur efficacité.

Il note aussi que la pratique du système fiscal reflète une relation conflictuelle entre l’administration et les contribuables ne facilitant pas l’adhésion à l’impôt… Il reconnait que « le contrôle n’est pas en effet orienté vers les contribuables les moins transparents et opérant dans l’informel ou l’opacité » !De nombreuses critiques sont donc formulées à l’égard du contrôle fiscal et des voies de recours mises en place jugées non efficaces. La même critique est également formulée à propos du système des sanctions.

Le tableau et le graphique ci-après récapitulent l’évolution par rapport à l’importance du revenu des taux effectifs d’imposition des différents revenus et gains

 

Revenu ou gain Brut

Salaires sans charges Sociales

Salaires avec charges Sociales obligatoires

Dividendes

Intérêts

Loyers

Plus Values

2 500,00

0%

22%

37%

30%

0,00%

20%

5 500,00

4%

24%

37%

30%

1,45%

20%

8 000,00

9%

26%

37%

30%

3,68%

20%

8 500,00

10%

27%

37%

30%

4,27%

20%

10 000,00

13%

28%

37%

30%

6,33%

20%

11 000,00

14%

29%

37%

30%

7,39%

20%

14 000,00

18%

31%

37%

30%

10,16%

20%

16 666,66

20%

32%

37%

30%

11,80%

20%

20 000,00

23%

34%

37%

30%

13,24%

20%

25 000,00

26%

37%

37%

30%

14,67%

20%

30 000,00

28%

38%

37%

30%

16,02%

20%

36 000,00

30%

39%

37%

30%

17,15%

20%

70 000,00

34%

42%

37%

30%

19,90%

20%

80 000,00

34%

43%

37%

30%

20,00%

20%

100 000,00

35%

43%

37%

30%

20,77%

20%

200 000,00

37%

44%

37%

30%

21,78%

20%

 

 

Ce tableau fait ressortir notamment que :

- Les revenus fonciers sont les moins imposés ;

- L’imposition des revenus de travail tend à s’égaliser avec celle des dividendes mais uniquement à partir d’un niveau de revenu très élevé ;

- La prise en compte des charges sociales alourdit le niveau des prélèvements sur les salaires.

Le rapport retient aussi que la répartition des recettes générées par l’IR entre les salariés et les autres contributeurs montre la concentration de la charge fiscale sur les salariés sans pour autant qu’il soit démontré que les revenus perçus par ces derniers soient plus important que les revenus et profits réalisés par les autres contribuables.

Le rapport indique que les statistiques officielles en 2011 indiquaient que 115 000 entités soumises à l’IS déclarent un déficit de manière répétitive, soit 65% de la population totale d’assujettis. Une situation d’autant plus anormale que 2% des entreprises paient 80% de l’IS.

Le redéploiement fiscal peut être difficilement réalisé sans l’intégration du secteur informel dans le champ de l’impôt. La lutte contre l’informel ne saurait se faire par la sanction. Pour cela, les avantages que procure la légalité doivent être suffisamment attractifs et lisibles.

Parmi les recommandations finales de ce rapport, la revendication d’une fiscalité qui s’articule de manière forte avec les autres axes des politiques ; l’amélioration de la transparence des pratiques fiscales, une fiscalité qui permet de lutter contre la spéculation ; et encourage le secteur productif et l’investissement… le rapport estime aussi que la programmation fiscale et une meilleure connaissance du patrimoine et des engagements de l’Etat sont les garants d’une fiscalité plus claire.

Par: Bachir Znagui

 


Le monde multipolaire et mondialisé vit au rythme d’une guerre permanente et multiforme pour le contrôle des richesses stratégiques.

Le monde multipolaire et mondialisé vit au rythme d’une guerre permanente et multiforme pour le contrôle des richesses stratégiques.

Auteur : Frédéric Charpier

 

On connaissait les batailles des « guerres chaudes » et les rivalités sourdes de la guerre froide. Aujourd’hui, la mondialisation, en ce qu’elle suppose de compétition économique, a institué un état de guerre généralisée. « Sur ce champ de bataille où le combat paraît souvent indécelable se déploient des forces insoupçonnées qui utilisent des « armes » aussi bien conventionnelles qu’inédites et sophistiquées. La ligne de front qui oscille entre un cabinet d’affaires de Wall Street et une opération de maintien de la paix en Afghanistan décide ainsi du choix des armes ». Dans ce contexte, il n’y a ni ami, ni allié et « le retard ne se rattrape pas ». Le journaliste d’investigation Frédéric Charpier fait l’inventaire des forces en présence et de leurs armes, anciennes et nouvelles. Dans une synthèse remarquablement documentée, il remet en perspective de nombreuses affaires et leur donne sens en les reliant aux grands enjeux géostratégiques. La France apparaît ainsi en perte de vitesse face aux Etats-Unis qui, dans cette compétition mondiale, ont une grosse longueur d’avance. Les champs de bataille ? L’Irak, l’Afrique… D’autres puissances sont aussi impliquées dans cette « course effrénée à l’hyper-puissance » qui ponctue les relations internationales depuis l’effondrement de l’empire soviétique et l’apparition d’un monde multipolaire : l’Union européenne, mais aussi Israël et la Chine…

S’affirmer comme puissance, c’est contrôler les richesses et les ressources dans les domaines stratégiques que sont l’énergie, l’industrie de la défense, l’aéronautique et, bien sûr, le traitement de l’information. Il faut « conquérir les matières premières vitales indispensables à la prospérité future des économies », mais aussi les savoir-faire permettant de les stocker et de les exploiter. Ainsi la guerre n’est plus le fait des seuls militaires et stratèges : elle implique désormais des « guérilleros en col blancs » (avocats, hommes d’affaires, hauts fonctionnaires, agents secrets, etc.) « Les Etats y engagent des moyens considérables – services secrets, réseaux d’influence, cabinets d’enquête privés ou encore centres de recherche… – et soutiennent des fondations elles aussi largement mises à contribution. Ils recourent aux ONG, les organisations non gouvernementales, qu’ils peuvent manipuler ou instrumentaliser, ainsi qu’aux chambres de commerce, aux cabinets d’avocats d’affaires, aux sociétés militaires privées ou encore aux fonds d’investissement (ou hedge funds), véritables et modernes chevaux de Troie. » D’où la guerre des monnaies. D’où la crise de la dette européenne, directement liée à l’instrumentalisation des institutions financières de haut niveau pour manipuler les agences de notation. Les coulisses de l’ONU ou de l’OMC, les banques sont les nouvelles lignes de front. La dénationalisation de l’industrie pétrolière et la remise en cause par les Américains de la primauté des industriels français sont le véritable enjeu de la guerre en Irak. Les renversements de chefs d’Etat en Afrique (Côte d’Ivoire, Mauritanie, Madagascar) servent des intérêts qui dépassent largement les enjeux de politique intérieure. La lutte contre la corruption, noble cause s’il en est, est elle-même instrumentalisée.

 

La course à l’information

 

Dans ce contexte, l’information et la recherche scientifique sont déterminantes. Les héros en sont les cryptographes, mathématiciens, ingénieurs en télécommunications, informaticiens, linguistes, spécialistes des interceptions, du décodage et de l’analyse des messages transmis par GSM, Internet ou fax. La « guerre de l’information » est en effet cruciale dans la guerre commerciale et industrielle. L’espionnage classique se double de nouvelles pratiques. On subventionne des laboratoires universitaires, des agences gouvernementales ou des sociétés privées pour financer des programmes de recherche dans les domaines stratégiques : nanotechnologies, biométrie, robotique, lutte contre les armes bactériologiques, nouvelles ressources énergétiques, exploitation des ondes térahertziennes (qui permettent de détecter des explosifs et des mines). « Les Etats ne lésinent en effet sur aucun moyen, usant de tous ceux qu’ils jugent nécessaires à la lutte impitoyable qu’ils mènent sous les auspices de la guerre du renseignement dont l’action s’étend de la censure au contrôle des populations en passant par l’espionnage militaire, économique ou diplomatique ». Les réseaux sociaux sont largement mis à contribution pour collecter des informations, orchestrer des opérations de propagande, voire créer de fausses identités dans le cadre d’opérations clandestines. C’est la course au contrôle de l’Internet et à l’appropriation des banques de données, souvent via l’intrusion informatique (un ordinateur sur cinq serait utilisé à l’insu de son propriétaire). Les Etats-Unis sont le leader mondial en la matière. Ils contrôlent le Système interbancaire de paiement électronique (l’européen SWIFT, qui concerne 95 % des transactions financières internationales). Via un complexe montage financier, ils se sont accaparés les secrets de la société française Gemplus, leader mondial de la carte à puce. En septembre 2013, le Utah Data Center devrait être opérationnel. Ce centre d’écoute et de stockage d’informations ultra-sécurisé, d’un coût de 2 milliards de dollars, pourra casser les codes les plus récalcitrants au profit de la National Security Agency (NSA) et des entreprises industrielles et des institutions financières des Etats-Unis avec lesquelles elle est en étroite collaboration depuis plusieurs décennies. « Connaissant la mainmise que les Etats-Unis cultivent déjà dans la gestion et le contrôle des réseaux Internet et le quasi-monopole qu’y exercent les firmes informatiques et les fabricants de logiciels américains, l’on peut raisonnablement s’inquiéter de la création de ce centre d’espionnage qui augure mal, dans le futur, du caractère équitable du commerce international », conclut Frédéric Charpier. On peut aussi s’inquiéter de la protection de la vie privée, de la question de la souveraineté des Etats – puisque les seuls véritables acteurs de l’Histoire sont ceux qui ont une politique de recherche, les autres étant réduits à un champ de bataille – et de la régulation des relations internationales… Un livre palpitant, qui pose des questions politiques de fond.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

L’économie, c’est la guerre : les agents secrets au service du big business

Frédéric Charpier

Seuil, 300 p., 21 €


Au discours misérabiliste de l’Occident sur l’excision des femmes africaines, deux femmes répondent en reposant le problème du pillage du continent.

Au discours misérabiliste de l’Occident sur l’excision des femmes africaines, deux femmes répondent en reposant le problème du pillage du continent.

Auteur : Aminata Dramane Traoré et Nathalie M’Dela-Mounier

 

C’est un pamphlet, dans la droite ligne du J’accuse de Zola, de Césaire ou de Frantz Fanon. Aminata Dramane Traoré, essayiste et ancienne ministre de la Culture et du Tourisme du Mali, et Nathalie M’Dela-Mounier, enseignante et documentaliste en France, cosignent un très beau petit livre, dont la verve emprunte au chant ses accents enflammés. Elles sont « femmes-couleurs vêtues de noire colère et drapées dans un rire indigo » et en ont assez du discours « misérabiliste et condescendant » de l’Occident qui n’écoute les femmes africaines que quand elles se plaignent de leur pauvreté et leurs mutilations génitales. La situation féminine est prise pour seul critère de l’état de développement et de démocratie de leurs pays mais, « de la violence de l’ordre économique mondial, il est rarement question ». Face à la dénonciation unanimement scandalisée de l’excision, Aminata Dramane Traoré et Nathalie M’Dela-Mounier rappellent qu’une mutilation de bien plus grande ampleur doit aussi être dénoncée : « l’excision économique », qui, elle aussi « rabote », « taille » et « coupe », et « peut tuer aussi sûrement, aussi salement, mais […] le fait en silence avec l’assentiment des puissances occidentales ». Et elles ironisent : « Que ceux qui s’inquiètent pour l’intégrité de nos corps et s’affairent […] à comprendre ce qui se passe sous nos pagnes se préoccupent aussi, avec autant de rage et la même indignation, de l’autre fer, l’ajustement structurel qui nous mutile et nous tue ainsi que les nôtres. En toute impunité ». Ce texte, écrit en septembre 2012, dans un Mali déjà amputé des deux tiers de son territoire et bien avant l’intervention militaire française, dresse le tableau, terrifiant mais si familier, des ravages du néocolonialisme et du libéralisme sauvage. Crise institutionnelle, spectre de la famine, chômage et pauvreté de masse, échec du système éducatif, émigration forcée, prolifération d’armes après la guerre en Libye… La cause des femmes dans ce contexte ? « une question d’image et de financements extérieurs à engranger » pour des gouvernants corrompus et des partis politiques en lice pour prendre leur place  et  « exceller dans la soumission au même système économique ». Quant aux associations de femmes et aux ONG, elles « s’interdisent de relever les contradictions et les incohérences des politiques dites de développement » car elles dépendent de ces financements… Pour les auteures, ce n’est pas que la cause féminine ne soit pas légitime, mais elle ne doit pas être instrumentalisée pour occulter le vrai problème : le droit des peuples d’Afrique à l’initiative historique, à la liberté et à « penser le changement de l’intérieur de nos sociétés, en définir le contenu, les moyens et le rythme ». Ce livre militant invite à « ne pas se tromper de défis économiques, politiques et culturels », à être lucide et à œuvrer à « la seconde libération du continent ».

 

Contre l’instrumentalisation de la cause féminine

 

Après les décolonisations, il s’agit en effet de se défaire de « l’ordre cynique du monde », dont les femmes sont parmi les premières victimes. Aminata Dramane Traoré et Nathalie M’Déla-Mounier livrent un réquisitoire contre la politique ultralibérale. Politique délibérée de pillage des immenses richesses de l’Afrique, elle met le continent sous coupe afin de faire main basse sur les matières premières nécessaires à la sortie de crise des Etats occidentaux. Elle instaure un marché déloyal où le vendeur ne peut pas fixer les prix de ses matières premières, qu’il exporte en quasi-totalité sans valeur ajoutée, et s’épuise dans le service de la dette. « L’appel à l’investisseur étranger est le sport préféré d’une élite qui, en libéralisant à tour de bras, a contribué à la ruine du Mali », s’indignent les auteures. « Les privatisations imposées au nom de l’efficacité et de la rentabilité ont sonné le glas de l’industrialisation, laissant les multinationales s’emparer des secteurs stratégiques de nos économies ». Cette politique, surtout, viole la souveraineté des Etats, puisqu’elle démantèle toute politique sociale au nom des ajustements structurels qui privent les gens d’éducation et de santé, affament les travailleurs, au point que « vivre est une prouesse ». 40 % des populations vit avec moins d’un dollar par jour, contre 19,2 % dans le reste du monde. 40 millions d’Africains pourraient, d’ici 2020, mourir de faim, de maladies guérissables, ou de guerres évitables, sans oublier les ravages du réchauffement climatique. Aminata Dramane Traoré et Nathalie M’Déla-Mounier dénoncent aussi la corruption qui récompense l’adhésion d’élites aliénées à cette politique. Elles concluent sans appel à « l’échec du développement mimétique » du modèle productiviste et consumériste et mettent en cause la dimension idéologique de ce système. Car pour « formater les peuples et organiser la ponction des richesses nécessaires aux pays « développés » », il faut éliminer les modes de vie traditionnels qui laissent place aux rapports non marchands et font appel à une régulation collective.

La force de ce livre, outre son style, est de raconter le pillage et de décrire l’injustice de cet ordre du point de vue des femmes, qui font preuve face aux épreuves du quotidien et de la misère d’un courage extrême. Les femmes refusent de se poser en victimes de leurs hommes ou de leurs cultures, elles sont victimes d’une politique mondiale qui se moque bien de leurs souffrances et de leurs deuils. Elles refusent d’être du « bétail électoral » pour de sinistres farces dont elles sont exclues. Elles dénoncent le double discours du FMI et de la Banque mondiale. Elles revendiquent au contraire la « démarchandisation de leurs sociétés » et appellent à fonder une véritable démocratie sur la valeur du badenya, « qui lie les enfants de la mère par l’affection, par le sens de la responsabilité et du partage ». Et de conclure : « Nous avons puisé une eau trouble dans le puits sans fond de notre ignorance entretenue, mais elle ne nous désaltérait pas, pire, elle nous agaçait la bouche et nous laissait sur notre soif. Nous ne voulons plus boire de cette eau-là ».

 

Par : Kenza Sefrioui

 

L’Afrique mutilée

Taama éditions, diffusion l’Oiseau indigo, 64 p., 7,50 €


Une leçon de management venue du Sud : Cas de l’OCP

Une leçon de management venue du Sud : Cas de l’OCP

Auteur : Pascal Croset

Tout concorde pour confirmer aujourd’hui la bonne santé de l’OCP et ce, malgré la conjoncture internationale difficile. Cela n’était paradoxalement pas le cas moins d’une décennie auparavant malgré une situation internationale favorable. De 1976 à 2006, il y avait des hauts et des bas, mais surtout un endettement chronique et l’absence d’une visibilité pour l’activité de la plus grande entreprise marocaine. Comment une telle mutation a été possible ?

 

Quelques Chiffres clés 2011 pour le Groupe OCP :

« L’ambition au cœur de la transformation, une leçon  de management venue du Sud », est l’ouvrage de Pascal Croset, édité chez Dunod, qui présente les raisons de ce succès au niveau du management. L’auteur est titulaire d’un doctorat en gestion de l’École polytechnique ; après avoir dirigé le service de l’analyse stratégique au sein de la direction générale du CNRS français‚ son parcours professionnel se situe exclusivement dans le monde du conseil en stratégie et management. En 2006‚ Pascal Croset  crée sa propre structure‚ PRAXEO Conseil, spécialisée dans  la conduite du changement et de la transformation des organisations.

 Sur son profil Viadeo  Croset se décrit lui-même ainsi :   « j'aime profondément mon métier de consultant, que je pratique dans le domaine du management de l'innovation, de la recherche et de la stratégie. Je crois à ce métier, s'il est pratiqué avec exigence, le souci de le réinventer et de s'y améliorer. »

En tout cas son profil semble avoir séduit le patron de l’OCP. M .Mostafa Terrab, PDG de cette grande entreprise publique marocaine, qui l’a convié à prendre connaissance de ce parcours de redressement réalisé de 2006 à 2010. Dans la préface succincte portant la signature du PDG de l’OCP celui-ci  explique  qu’ «  en donnant  un accès privilégié à l’auteur…nous nous sommes donné le moyen d’apprendre sur nous-mêmes … ».

L’avant propos  de Michel Berry, spécialiste des mines et  de la gestion apporte un éclairage sur le travail de Croset. Cet  Ingénieur général des Mines‚ directeur de recherche au CNRS ; directeur du CRG (centre de recherche en gestion de l’École polytechnique) de 1974 à 1991 ; est  actuellement responsable de la série Gérer & Comprendre des Annales des Mines‚ animateur de l'École de Paris du management et rédacteur en chef de La Gazette de la Société et des Techniques. Il a participé indirectement à l’aventure de cet ouvrage.

M Berry relève que les réponses aux problèmes de management sont toujours  singulières car elles doivent tenir compte des contextes locaux ; lesquels  dépendent souvent d’aspects techniques, institutionnels, culturels et individuels particuliers. Les questions par contre sont les mêmes partout, puisque il faut équilibrer les comptes, trouver des financements, nouer des collaborations, bref rendre ou bâtir  la prospérité et la compétitivité d’une entreprise.

Croset estime que les leçons de l’OCP ont un intérêt managérial pour tous ceux des dirigeants qui cherchent à opérer des transformations radicales dans leurs entreprises.

Cet office créé en 1920 pour exploiter les mines de phosphate par les autorités du protectorat représente aujourd’hui 3% du PIB marocain et 20 % des exportations marocaines en valeur. Mais  cette  structure mastodonte du secteur public  marocain  était surendettée aux débuts des années 2000, très bureaucratique et sans visibilité ; elle a amorcé ses changements avec l’arrivée d’un nouveau PDG en 2006 .A la fin des  quatre années  suivantes, le redressement a pu avoir lieu. On pouvait dire que le groupe est sorti durablement de l’impasse. Comment cela a pu avoir lieu ? C’est ce que raconte Croset en un récit passionnant sous l’angle du management  des transformations de l’OCP.

 

Les comptes financiers de l’OCP

En 2006 les blocages étaient nombreux à l’OCP, blocages structurels, internes, externes etc.… L’audit financière annonçait que l’OCP était dans l’impossibilité d’établir des comptes consolidés à cause du défaut d’information financière et l’absence  de l’harmonisation comptable entre les sociétés du groupe. Après un travail colossal des auditeurs, le rapport concluait que les capitaux propres étaient négatifs à hauteur de 15,9 milliards de Dirhams, les pertes de l’exercice  se montaient à 12,2 milliards de DH pour un chiffre d’affaires global de 23,5 milliards de DH. On notera ainsi  parmi les premiers acquis de la nouvelle direction, la présentation dès 2007d’un bilan consolidé du groupe dont les données étaient pour la première fois  publiques !

 

Le gouffre de la CIR

L’un des boulets qui plombaient la santé financière de  l’OCP était la caisse interne des retraites CIR. Certes, à partir de 2001, toute nouvelle recrue de l’OCP était affiliée automatiquement à la RCAR, mais la caisse continuait à gérer la retraite des salariés embauchés avant cette date. La nouvelle direction a réussi l’exploit de la signature le 19 juillet 2007 d’un accord entre l’Etat, le groupe et la CDG. Il  stipulait l’externalisation de la caisse de retraite OCP vers la RCAR avec un montage où la CDG paierait  33milliards de DH à la RCAR  mais deviendrait par la même occasion actionnaire au capital de L’OCP. Cette solution ne s’est pas concrétisée finalement car une envolée des cours du phosphate a permis à l’OCP de réaliser l’opération en 2008 sans soutien externe. Le groupe a réussi ainsi à retrouver une marge de manœuvre financière moins restrictive dès ce moment.

 

Changement de statut et d’organisation :

Une  stratégie du groupe a été globalement établie dès  2007. L’un de ses  premiers outils fut le  changement du statut, d’un office régi par une loi qui remonte à l’époque du protectorat, OCP est passé ainsi en 2008 au statut de société anonyme détenue par l’Etat.

Dès 2006, OCP a procédé à la mise à jour du niveau de complexité du système productif, à l’identification des opportunités d’accroissement de la marge par l’optimisation du système et la recherche d’un modèle des couts, d’où  la possibilité dès la fin de cette année d’une visibilité couplant les possibilités des produits des différents sites miniers, avec les outils de transformation disponibles (Chimie et engrais) vis-à-vis du marché international.

L’OCP avait également le problème de sa propre dimension  géographique, mais a pu mettre  en confiance les sites locaux pour trouver l’équilibre idoine entre pouvoirs du centre et de la périphérie, notamment grâce à l’importance consacrée par la direction à la question de la production.

Les transformations apportées au  volet organisationnel, ont concrétisé  une décentralisation rapide, la mise en place d’un pole commercial inexistant jusqu’alors et la création d’un pole industriel unique où sont réunies les mines et la Chimie lesquels étaient séparés.

 

Une nouvelle approche commerciale

La mission du nouveau pole commercial a prouvé son importance dès 2007 lors des négociations avec les grands clients internationaux du groupe ; notamment avec l’Inde. Il était question pour la première fois d’améliorer les marges et non pas seulement d’augmenter les volumes .Les succès engrangés par cette démarche ont permis  l’émergence de départements tel que celui du marketing, ainsi que des unités de veille, d’analyse stratégique et de planification.

 

La performance du volet industriel au cœur de toutes les transformations

OCP a défini sa stratégie  optant dès  2007  pour l’augmentation de la capacité de production du phosphate brute à hauteur de 70 %, la réduction des coûts de production de 30 à 40%, et la construction sur le sol marocain de la plus grande plateforme mondiale de production des engrais à l’horizon des dix prochaines années. Une ambition dont la nouvelle société OCP a bien les moyens  et fait d’elle désormais un élément puissant sur le marché international.

Au cœur des transformations le volet industriel avec une progression substantielle des investissements ayant pour objectifs :le développement des capacités de production ,le renouvellement des équipements devenus vétustes, mais aussi , l’installation de pipelines pour réduire les coûts de transport, un programme d’optimisation global et une gestion durable des gisements.

Sur la période examinée Croset évoque la période du « shut down », moment très dangereux de la fin 2008 et début 2009, avec l’effondrement des cours au niveau du marché international .Il décrit à ce propos  comment tous les outils de l’OCP et de sa nouvelle stratégie ont été alors soumis à l’épreuve et démontré leur efficience .En matière  de gestion de la production aussi bien que de la gestion des fluctuations des cours  la flexibilité des outils fut confirmée.

La nécessité de redéfinir ses métiers de base et sa stratégie commerciale ont été couplées avec une certaine régénération de ses ressources humaines. L’OCP qui a renouvelé ses équipes dirigeantes à travers un choix minutieux des profils et une capacité d’écoute au sein de la structure même. Le groupe a cherché à stimuler et synchroniser  toutes les énergies faisant converger  les compétences,  engageant  tous au même enthousiasme, leur faisant porter un rêve durable partagé par tous, de la tête de la hiérarchie à sa base.OCP  est passé de 2006 avec 17000 salariés à 19000 en 2010. En termes de management, il s’agissait de valoriser les talents qui sont au sein de l’entreprise et la recherche de profils adaptés aux nouveaux besoins de l’OCP même à l’extérieur ; en matière de   revenus pour les agents et cadres, cela correspondait à une amélioration salariale de + de 30% sur la même période rompant ainsi avec plus d’une décennie de restrictions.

La recherche-développement est un volet de la nouvelle stratégie OCP, même si ses contours ne se sont clarifiés qu’à partir de 2010.Elle a été examinée  progressivement depuis 2007,et une perspective a été définie au niveau de ses objectifs et les moyens mis à sa disposition ;L’OCP se dit prêt à engager 3 à 5% de son chiffre d’affaires dans ce secteur ; à l’échelle interne cette dimension fut unifié en direction  intégrée au pole industriel, actuellement treize plateformes expérimentales sur les sites de production et un réseau international de recherche(Recherchephos) sont déjà opérationnels.

 

Schéma inséré en page 165 du livre de Pascal Croset

Pascal Croset  décrypte les aspects concrets du management à l’OCP ayant accouché finalement des transformations recherchées. Comment un patron fraichement nommé à la tête d’une entreprise publique sclérosée - ayant ses fortes pesanteurs –est- il  parvenu à prendre celle-ci en main ? Puis,  comme la situation n’était pas  confortable, comment  il a réussi à déstabiliser sans démotiver les forces vives de l’organisation de cette entreprise? Puis  sur deux aspects différents et importants  l’auteur décrit la démarche de la nouvelle direction, le premier concerne le besoin pressent de l’expertise dans plusieurs domaines .Aussi en vue de sortir de l’impasse, l’OCP a fait appel à des bureaux de conseil et des consultants, le management de ceux-ci et la gestion de la tension entre expertise et management dans le contexte réel  , sont des éléments mis en évidence par  l’auteur comme étant un processus réussi et fécond. Le second aspect  concerne la cohésion de l’organisation entre anciennes et nouvelles  générations des dirigeants  de l’OCP, puisqu’on pouvait craindre la confrontation, il en fut autrement, l’intégration des nouvelles équipes a été progressive, constituant ainsi un autre exemple réussi du management  des ruptures.

Il fallait une dose d’incertitude ou de chaos, la nouvelle direction  a supporté et toléré sciemment cela, en prévision de l’ordre nouveau devant succéder aux transformations radicales. L’auteur met en relief l’attitude  de M .Terrab en tant que spécialiste de la théorie des systèmes, celui-ci  réalisait mieux la nécessité de se fixer des repères différents par rapport à ceux des temps plus calmes.

En 2010 OCP était en mesure d’extraire et de traiter  30 millions de tonnes de phosphate brut, de fabriquer 3 millions de tonnes d’acide phosphorique et 4 millions de tonnes d’engrais.

D’ici 2020, OCP vise à doubler les capacités de la mine et à tripler celles de la chimie. 115 milliards de MAD d’investissements seront consacrés à ce programme de développement. C’est cette leçon là, venue du Sud que Croset propose aux managers de partout, y compris ceux du Nord.

 

Par : Bachir Znagui


Quel gouvernement pour la nouvelle ère ?

Quel gouvernement pour la nouvelle ère ?

Auteur : McKinsey

Si McKinsey a réussi à s’imposer comme le géant mondial du conseil stratégique, c’est en tirant profit de son implantation, à travers 82 pays et de ses relations privilégiées avec leurs dirigeants. Pour autant, son modèle économique ultra libéral n’a pas eu que des succès. Les scandales liés à l’affaire Eron et la faillite de Swiss air, Kmart et Global Crossing ont entachés sa réputation.

C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles  le fameux cabinet propose de  se mettre à la recherche d’une approche novatrice de la gestion de la chose publique, en vue de doter les gouvernements de la capacité de mieux appréhender, anticiper et réagir aux forces qui induisent le changement.

 

MCG, UN NOUVEL OUTIL AU SERVICE D’UNE NOUVELLE APPROCHE

Cette « réorientation » se révèle chez Mckinsey par la création d’un nouvel instrument : le Mckinsey Center for Government (MCG), qui vise à explorer les meilleures approches adoptées, de par le monde, pour la résolution de problèmes communs.  Ce centre est désormais actif  depuis  l’ouverture d’un portail et la publication d’un ouvrage ayant le même intitulé.

Le Centre de McKinsey pour le gouvernement (MCG) se présente comme  une nouvelle plate-forme mondiale pour la recherche, la collaboration et l'innovation dans la performance du gouvernement. S'appuyant sur un réseau d'experts externes et des praticiens de McKinsey, MCG espère proposer aux gouvernements des connaissances à nouvelles et éprouvées ainsi que des outils pour faire face aux défis cruciaux de notre temps.

 

COMMENT TRANSFORMER LE GOUVERNEMENT ?

La réflexion globale du cabinet McKinsey se base sur plusieurs éléments, en premier la réalité des changements qui se déroulent au 21ème siècle affectant les aspects technologiques et économiques et où les gouvernements ont au moins le rôle d’accompagner sinon celui de guider et d’assurer une visibilité stratégique et une cohérence politique. Secundo, ces changements affectent l’emploi, les grilles de protection sociale, l’éducation, la formation, les sciences, l’information et …

Mckinsey constate aussi les changements  survenus sur les services de l’Etat par les nouvelles organisations  issues des NTIC et leurs effets sur les politiques urbaines et territoriales ainsi que la mobilité des individus et des marchandises. D’où de nouveaux besoins, de nouvelles compétences, voire de problématiques complètement nouvelles.

McKinsey  semble  désormais axer son approche sur le capital humain, comme élément essentiel à toute  stratégie gagnante. Les citoyens ont droit à un égal accès aux services et doivent davantage être impliqués dans la gestion de la chose publique.

Pour réfléchir sur le nouveau gouvernement du 21 ème siècle ; le cabinet a sollicité la contribution d’une pléiade de personnalités politiques, de la société civile, économistes, experts en politiques publiques, généralistes et spécialistes.

A travers la publication qui accompagne le lancement du centre, on se trouve dans le contexte tonifiant des réflexions les plus pertinentes en matière de gouvernement sur la quasi-totalité des questions les plus actuelles et importantes. Pour illustrer la primeur du travail de ce centre,  nous avons choisi de présenter ci-dessous la synthèse des  propos de deux contributeurs très significatifs dans ce dossier .

 

1 – Tony Blair*: Conduire le changement pour répondre aux exigences du 21e siècle. 

Capitalisant sur son expérience de premier ministre de la Grande Bretagne, Tony Blair nous expose sa vision d’un gouvernement innovant à partir des 5 leçons qu’il en a tirées : 

Au cœur de ce processus, figure la construction de nouvelles capacités institutionnelles et humaines, devant orchestrer les partenariats entre les secteurs public et privé et les ONG, et développer les outils requis pour une exécution efficiente.

  • La politique du 21ème siècle sera, de plus en plus, post-idéologique en dépit des clivages partisans, pour être davantage axée sur la construction d’un système capable de favoriser la croissance en créant des opportunités pour tous, une meilleure qualité de services de santé et de l'éducation et d’assurer la sécurité.
  • Impulser le changement systémique - par opposition à une réforme au coup par coup – est un élément essentiel à tout gouvernement moderne prêt à « remettre en cause l'acquis » pour suivre le rythme d’un monde en mutation rapide. 
  • Chaque problématique nécessite une analyse conceptuelle claire et rigoureuse, allant d’une orientation politique pour aboutir à une solution spécifique.
  • Une plus grande interaction entre les secteurs privé et public, devrait permettre d’envoyer pour quelque temps dans le privé, les meilleurs de la fonction publique, avant de réintégrer leur poste.
  • L'innovation doit circuler dans toutes les directions pour permettre à tous  les pays d’en apprendre les uns des autres.

 

2 - François-Daniel Migeon* : Comment transformer le gouvernement en France ?

C’est aux commandes de la Direction Générale de la Modernisation de l'État (DGME), lancée en 2007, que ce diplômé de Polytechnique, va conduire les programmes de réformes visant la transformation du gouvernement français, à la fois pour en améliorer l'efficacité et le rendre plus à l’écoute des citoyens.  Il est aussi celui qui a développé une nouvelle vision de gouvernement fondée sur la notion centrale de « l'agilité ».

 

La simplicité, facteur d’amélioration de la qualité

Les premières réformes engagées ont visé la suppression de 150.000 postes dans la fonction publique qui ont permis d’économiser 15 milliards €, sur la période 2009 à 2013, et dont la moitié sera consacrée à l’augmentation de salaires des effectifs restants.

L’amélioration de la qualité a été pensée sous le prisme de la simplicité, à partir d’un sondage ayant fait ressortir la complexité perçue des relations avec l’administration, tant pour les entreprises que les citoyens.

Les efforts déployés pour en réduire l’impact ont inspiré, à leur tour, la mise en place d’un baromètre de mesure de la qualité.  Pour mesurer la simplicité, on a pris en compte ce que l’on appelle « les évènements de la vie » tel le mariage pour les citoyens ou l’ouverture d’une succursale pour les entreprises.  

Une liste différenciée de 50 « événements de la vie » pour les citoyens et les entreprises, a permis d’établir les différents degrés de complexité pour en réduire sensiblement les effets.

 

L’écoute du citoyen, une nouvelle culture de changement

La mise en œuvre de ces réformes a eu un véritable impact sur les mécanismes internes du gouvernement, l’incitant à développer de nouvelles capacités de changement.

La création d’une école de formation spéciale a permis de répandre le savoir-faire et d’impulser un changement de culture.  

Le fait de mettre l’accent sur les attentes des citoyens a aussi eu un effet de levier tel, qu’il a atteint un niveau élevé de pertinence, de collaboration interministérielle et de soutien politique, dans la recherche d’une réponse collective.

 

L’agilité, une notion innovante des capacités d’anticipation

Une vision du type d'administration modèle est esquissée, en vue de soutenir le processus de transformation, axée sur la notion d'agilité, c'est-à-dire la capacité de :

  • Coordonner l'ensemble des acteurs publics et privés pour anticiper et réagir rapidement aux grands changements sociaux, pesant sur la demande de service public.
  • Evaluer systématiquement les politiques et mécanismes existants afin de concevoir des approches plus ciblées et plus pertinentes.
  • Impliquer les citoyens, les représentants, les entreprises ayant des intérêts divergents pour définir une vision partagée de la fonction publique de demain.

 

Par: Farida Lhassani-Ouazzani

 

Le livre prétexte

Le livre prétexte

Auteur : Richard L. Brandt

La biographie du fondateur d’Amazon.com vient d’être traduite en français : une saga entrepreneuriale et un portrait très critique de Jeff Bezos.

Jeff Bezos est un personnage complexe. « Brillant homme d’affaires avec une vision forte », comparé à Steve Jobs, il n’hésite pas à « pousser son personnel avec la finesse d’un chef de nage pour galériens ». Né en 1964, il montre très tôt un goût prononcé pour l’expérimentation, la lecture et l’informatique. Il fait l’essentiel de sa scolarité dans des institutions pour surdoués et décroche un diplôme en informatique et ingénierie électrique à l’Université de Princeton. Ses premières expériences professionnelles, au carrefour de la finance et de l’informatique, le familiarisent avec les futures potentialités d’Internet – alors limité aux laboratoires de recherche et aux institutions gouvernementales. Jeff Bezos y constate un taux de croissance de 2 300 % et s’interroge sur le type de business plan applicable à cette situation inédite. « Il avait compris qu’Internet deviendrait un gigantesque lieu de rassemblement, explique Richard L. Brandt. Il commença à rêver de devenir le plus grand distributeur sur Internet du monde, peut-être le plus grand distributeur du monde tout court ».

Il choisit le livre parce que c’est un produit familier, léger donc facile à expédier, inscrit dans un marché important et moins créateur de dépendance que celui de la musique ou des logiciels, avec des sources d’approvisionnement en gros et des possibilités de remises. Dès l’été 1994, son équipe, « trois geeks et une comptable » (sa femme), s’installe à Seattle, car c’est un pôle technologique attirant des programmeurs de logiciels, proche d’un entrepôt et d’un nœud aérien. Jeff Bezos investit ses fonds propres, sans se soucier dans un premier temps d’équilibrer son budget. Sa politique ? Investir. D’abord dans l’achat et la conception de logiciels, pour construire une base de données permettant d’accéder, de commander et de suivre automatiquement des millions de titres. Investir dans un navigateur, investir aussi pour sécuriser le paiement en ligne, alors balbutiant, investir pour proposer sans cesse de nouvelles fonctionnalités. Amazon.com est lancé le 16 juillet 1995, l’année où Internet atteint 16 millions d’utilisateurs. Les utilisateurs pionniers lui font une bonne réputation, les commandes, emballées à la main, s’envolent.

S’ensuit une croissance record, qui attire les investisseurs en capital risque, une introduction en bourse réussie, et toujours plus d’investissements pour se diversifier : développement d’une liseuse électronique, le Kindle, lancé en 2007, leader en 2011 avec 47 % de part de marché, malgré la concurrence d’Apple et de Google ; anticipation du Cloud avec Amazon Web Services, qui loue des espaces de stockage de données, etc. Au début des années 2000, Amazon.com n’a pas été épargné par le krach de la « bulle point-com » et Jeff Bezos a dû, pour atteindre le seuil de rentabilité et rassurer Wall Street, mettre en place une gestion plus stricte (abandon des produits non rentables, réduction des coûts, licenciements). Elu « l’homme de l’année » par Time Magazine fin 1999, il est aujourd’hui le 18e dirigeant le plus riche du monde par Forbes en 2010, avec un capital personnel de 12,6 milliards de dollars.

 

Avant tout, vendre

Amazon.com est aujourd’hui un géant du e-commerce : « un tiers des achats sur Internet aux Etats-Unis, une croissance globale trois fois plus importante que celle de son marché, une capitalisation deux fois supérieure à celle de son premier concurrent », etc., rappelle en préface Stéphane Distinguin. Ses points forts : l’efficacité de son service de livraison, l’étendue de son catalogue, la sobriété du site et l’obsession du service client, dans un environnement virtuel où tout est amplifié. « Notre stratégie est de devenir une destination commerciale électronique, affirme Jeff Bezos. Quand quelqu’un se dit qu’il va acheter un produit en ligne, même si nous ne le vendons pas, nous voulons qu’il ou elle ait le réflexe de venir chez nous ». Il ne considère pas son activité comme du « capitalisme pur et dur », même s’il le pratique : il emploie, pour des salaires de misère et des horaires extensibles à merci, des universitaires sur-diplômés à répondre à une douzaine d’emails à la minute (et non à faire du conseil, comme un bon libraire).

Car le livre n’est pas la priorité de Jeff Bezos : « Il utilise les livres comme produits d’appel pour vendre n’importe quoi d’autre », estime Teicher de l’Association des libraires américains. Très vite, Amazon.com a proposé des CD de musique, des DVD, des logiciels, puis des meubles de jardin, des jouets, etc. Il exige désormais des « droits considérables pour apparaître sur le site Amazon.com ». Et il se lance dans la course aux brevets, en n’hésitant pas à breveter des pratiques évidentes décrites de façon large, comme le logiciel « Commander en un clic ». Sa politique de traçage des données personnelles des clients pose la question de la vie privée, de la même manière que pour Google et Facebook.

Le développement d’Amazon.com a surtout ébranlé le secteur du livre. Il maîtrise totalement le processus de stockage et de distribution du livre, et tient les éditeurs sous pression permanente pour obtenir des ristournes. Par rétorsion aux éditeurs récalcitrants, Amazon retire du site leurs livres ou supprime la fonction « ajouter à mon panier ». De même, Amazon a tenté de contraindre les écrivains publiant à compte d’auteur en impression à la demande à passer par sa filiale, CreateSpace. Quant aux libraires, ce sont les grandes chaînes qui ont souffert plus que les indépendants – lesquels doivent néanmoins travailler dans des conditions beaucoup plus difficiles – en raison des remises de 40 % pratiquées par Amazon. Une vision à court terme car, note Richard L. Brandt, « la politique de rabais empêche les distributeurs, les éditeurs et les écrivains de faire des bénéfices. Plus les marges bénéficiaires des éditeurs se resserrent, plus ils se concentrent sur les seuls auteurs qui peuvent leur fournir des best-sellers. C’est pareil pour les librairies, qui ont besoin de faire tourner leur stock pour rester en vie ». D’où une diminution de l’offre… Ainsi, Jeff Bezos « donne l’impression de pouvoir aller jusqu’à détruire l’industrie de l’édition qui lui a permis de démarrer, si cela lui permet de rester en tête ».

 

Par : Kenza Sefrioui

 

Amazon, les secrets de la réussite de Jeff Bezos

Richard L. Brandt, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Liliane Messika

Editions SW Télémaque, 240 p., 22 €


Synthèse du rapport sur le programme villes sans bidonvilles

Synthèse du rapport sur le programme villes sans bidonvilles

Auteur : Banque Mondiale

Chaque année, près de 240 000 personnes migrent des campagnes vers les villes marocaines ; la population urbaine atteint ainsi plus de 57%de la population globale et le nombre des habitants des villes double désormais tous les 17 ans ! Une évolution trop rapide qui fait qu’une partie des arrivants réside dans les divers avatars de l’habitat insalubre dont les bidonvilles sont la version dominante.

Regard sur l’histoire des bidonvilles au Maroc

Le phénomène bidonvillois a vu le jour au Maroc en 1920 à Casablanca, le premier site  s’appelait Karyan central par ce qu’il est né  sur le terrain d’une ancienne carrière (karyan) près de l’usine thermique d’électricité (dite centrale thermique) d’Ain Sebaa. Quarante ans après , avec un total de  32.700 baraques, sur les 49.500 logements “sommaires” de l’époque , Casablanca comptait déjà de nombreux bidonvilles.

Plusieurs tentatives modestes et très limitées ont été engagées pour la réduction ou l’élimination des bidonvilles, la  trame d’urbanisme dite trame sanitaire de 1950 à 1970, les projets  dits de développement urbain (PDU) durant la période 1970-1980, puis  à partir de 1980 la stratégie des parcelles constructibles.

Ces stratégies n’ont eu qu’un effet très réduit, ces  foyers de la pauvreté durable se propageaient et poussaient partout à travers tous les tissus urbains du Royaume . C’est alors que grâce à la coopération internationale le Ministère de l’Habitat a mis en place-vers les années 90 -un programme spécial de lutte contre l’habitat insalubre .Celui ci portait sur 107 opérations au profit de 100.000 ménages bidonvillois. Sa réalisation fut confiée aux opérateurs sous tutelle du Ministère de l’Habitat (ANHI, SNEC,..).Les résultats furent relativement meilleurs mais partiels, les moyens et les fonds mobilisés étaient loin de combler les besoins et la forte demande. Les problèmes de gouvernance réduisaient encore plus  les chances de succès.

Un nouveau programme et de nouvelles ambitions

Il fallait attendre  2004  pour assister à la naissance du programme Villes sans bidonvilles. Il fût lancé pour l’éradication de l’ensemble des bidonvilles, soit 362 327 ménages (chiffre actualisé au fur et à mesure de la réalisation du programme) dans 85 villes et centres urbains. Il s’agit aussi d’un investissement d’environ 25 milliards de DH, dont une subvention de l’Etat de 10 milliards de DH.

Ce projet fait également partie d’un champ de coopération internationale et s’intégre dans le programme ambitieux  dit des objectifs du millénaire pour le développement adopté par le système des Nations Unies et par la banque mondiale.

Pour évoquer et évaluer le volet logement de ce programme, une rencontre internationale vient d’avoir lieu à Rabat sous l’égide de l’Onu- Habitat. Du 26 au 29 novembre 2012 les participants ont procédé à l’examen à mi-parcours des objectifs du  millénaire. La rencontre avait pour objet la Cible 7.D  de ce programme  qui consiste à réaliser une amélioration significative des conditions de vie d’au moins 100 millions d’habitants des bidonvilles à travers la planète et ce, avant 2020.

L’Onu Habitat avait invité  les 20 pays considérés comme  les plus performants dans la réalisation de la cible 7 D. Le rapport marocain fut présenté à cette occasion. Un document qui a le mérite de contenir le bilan à mi parcours du PVSB en matière de lutte contre les bidonvilles.

La stratégie marocaine du PVSB

Pour la première fois, la réalisation du programme marocain relève d’un cadre conventionnel fixant les responsabilités partagées entre l’Etat et les collectivités locales, et comprenant notamment les délais de réalisation.

Trois modes de résorption ont été privilégiés: la restructuration, le relogement et le recasement.

La restructuration • Les opérations de restructuration ont pour objectif de doter les grands et moyens bidonvilles pouvant être intégrés au tissu urbain, en équipements d’infrastructure nécessaires (assainissement, voirie, eau potable, électrification) et régulariser leur situation urbanistique et foncière. Le coût est calculé sur la base de 1,5 millions de dirhams / ha, soit un maximum de 30.000 dirhams/baraque. L’aide de l’Etat (50% du coût) est destinée à l’équipement en voirie et assainissement. L’adduction en eau potable et l’électrification sont à la charge des bénéficiaires avec une contribution, le cas échéant, de la collectivité locale. Le relogement Le relogement • Le relogement consiste en l’attribution de logements sociaux (superficie hors oeuvre inférieure ou égale à 60 m² d’une valeur immobilière totale ne dépassant pas 120.000 dirhams). Ce mode d’intervention est destiné au relogement des bidonvillois recensés et, dans certains cas, aux ménages concernés par des opérations de dé densification des zones à restructurer. Les aides accordées dans ce cadre par l’Etat représentent le 1/3 de la VIT, soit un maximum de 40 000 dirhams par logement.

Le recasement • Le recasement consiste en l’attribution de lots aménagés (d’une superficie comprise entre 64 et 70 m² pour les lots mono-familiaux et de 80 m² pour les lots bi-familiaux) à valoriser en auto-construction assistée, dans le cadre de lotissements à équipement intégral ou progressif. Le recours à l’aménagement progressif répond au souci de production de lots, financièrement, plus adaptés aux possibilités et au rythme d’épargne des ménages à ressources limitées tout en assurant la sécurité et la santé des habitants et le développement harmonieux des villes, sur la base de plans de lotissements et d’études techniques préalablement établis. Les aides publiques accordées, par ménage, dans ce type d’intervention sont d’un montant de 25.000 dirhams, pour les lots mono-familiaux et 20.000 dirhams pour les lots bi- familiaux, tant pour les lots équipés que pour les zones d’aménagement progressif.

L’Etat a procédé à plusieurs aménagements pour réaliser ce programme, en premier le volet foncier public notamment a connu un effort indéniable, des dispositions fiscales et financières ont été installées pour amener le secteur privé  à une dynamique de participation. Des outils de gouvernance et d’évaluation ont été également élaborés ainsi que des mesures globales d’accompagnement destinées au développement urbain et à l’intégration des structures nouvelles dans le tissu existant .

L’heure est au bilan. Quels résultats ?

Depuis son lancement en 2004, le programme aurait  ainsi  permis selon les sources officielles de :

 -Réduire le poids démographique des ménages résidant dans les bidonvilles dans les  villes marocaines de 8,2% à 3,9% entre 2004 et 2010 ;

- Améliorer les conditions de vie de près d’1 million d’habitants;

-Déclarer 45 villes sans bidonvilles parmi les 85 villes concernées.

 

Par: Bachir Znagui


Investir dans la société

Investir dans la société

Auteur : ODENORE

Il y aurait le bon pauvre, besogneux et contributeur, et le mauvais pauvre, oisif et assisté. C’est le discours qu’a banalisé la droite française à propos des bénéficiaires des politiques sociales, en agitant le spectre de l’assistanat et de la fraude et n’hésitant pas à « présenter les droits sociaux comme une maladie qui engendrerait de l’escroquerie ». L’Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE), répond point par point. Adossé au laboratoire « Politiques publiques, action politique, territoires » à Sciences-Po Grenoble et à la Maison des sciences de l’Homme/Alpes du CNRS, il publie les études faites par 13 sociologues, politologues, urbanistes, économistes et travailleurs sociaux sur différents programmes sociaux (Revenu de solidarité active (RSA), Couverture maladie universelle (CMU) et autres dispositifs d’assurance maladie, droit au logement opposable (DALO), tarifs sociaux pour l’énergie et les transports collectifs urbains, etc.) Les chiffres opposent un cinglant démenti au discours politicien.


OCDE : cap 2060 pour l’économie globale

OCDE : cap 2060 pour l’économie globale

Auteur : OCDE

Comment évoluera l’économie mondiale dans les 50 ans à venir ? C’est ce à quoi ont tenté de répondre neuf experts de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un rapport intitulé Horizon 2060 : perspectives de croissance économique globale à long terme, publié en novembre 2012.

Scenario de référence « mou » versus scenarii radicaux

Cette étude commence par envisager un scenario dit « de référence » pour les pays membres de l’OCDE et les pays du G20 non-membres de l’OCDE.  Projection macroéconomique, ce scenario prend en compte « l’interaction entre progrès technique, transformations démographiques, ajustement budgétaire, déséquilibres globaux et politiques structurelles ». Il part du principe de la convergence à long terme de tous les pays malgré la subsistance à terme d’écarts en matière de niveaux de vie.

Ce scenario, qui consiste en la poursuite de ce qui se fait actuellement, est  ensuite comparé à d’autres scenarii « fondés sur des politiques publiques plus ambitieuses ».

Croissance : des prévisions optimistes et des écarts persistants

En matière de croissance, les prévisions de l’OCDE pour les cinquante années à venir sont assez optimistes. La crise financière actuelle est présentée comme un phénomène cyclique dont les effets ne tarderont pas à disparaître et la croissance globale progressera de 3 % par an en moyenne.  Selon les experts, les véritables moteurs de la croissance seront l’amélioration des niveaux d’éducation des populations et des réglementations favorisant l’ouverture et la concurrence des marchés.

Malgré  la convergence des PIB par habitant, le rapport constate la persistance d’écarts de niveau de vie  entre les pays à l’horizon 2060, expliqués par les écarts de productivité et de qualification de la main d’œuvre. Le niveau de vie des habitants des pays les plus pauvres aura toutefois quadruplé alors qu’il aura doublé dans les pays les plus riches.

Les véritables alliés de la croissance s’avèrent sans surprise être les pays émergents. A leur tête la Chine, l’Inde et plus tardivement l’Indonésie. Contributeurs majoritaires au PIB global, ces pays devraient vite supplanter les principales puissances actuelles. La Chine contribuera à près du tiers du PIB global contre 17 % aujourd’hui. Toutefois le rapport note qu’à partir de 2020, le poids des tendances démographiques commencera à se faire sentir sur l’économie chinoise.

La démographie : principale inquiétude

D’une manière générale, les experts alertent sur l’influence du vieillissement des populations sur le taux d’activité global, mais également sur son incidence à terme sur le taux d’épargne et les déséquilibres des comptes courants. Les migrations, même si elles sont soutenues, ne permettront pas d’en absorber les conséquences.

Dans les scenarii alternatifs au scenario de référence, les auteurs du rapport proposent des mesures structurelles permettant d’accompagner la croissance et de réduire les déséquilibres globaux qui se seront accentués. Il s’agit d’abord d’accélérer la convergence en termes de capital humain et de productivité, en approfondissant les réformes du marché du travail, notamment en matière de retraite, et la libéralisation des marchés de produits. En combinant mesures d’assainissement budgétaire et réformes structurelles, le rapport prévoit une augmentation du PIB de 16 % en 2060 par rapport au scenario de référence.

Par : Hind Aissaoui Bennani

Version intégrale du Rapport

 

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