On se retrousse les manches

Ambidextre vous dites ?

Partie II : on se retrousse les manches

 

Dans le billet précédent, nous avons présenté un début de relation dialectique entre les innovations d’exploitation et celles d’explorations, en mettant notamment l’accent sur les caractères antagonistes et dans le même temps complémentaires des deux types. Enfin nous avons conclu sur l’éventualité d’une conciliation entre les deux notions par l’entremise du cadre intégrateur de l’ambidextrie organisationnelle, objet de ce qui va suivre.

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L’origine de la recherche d’une solution pour la conciliation des deux logiques d’innovation réside dans la formation même du concept de pérennité organisationnelle, c’est-à-dire que cette dernière est tributaire des deux logiques. Verona et Ravasi (2003) vont jusqu’à avancer que la capacité à être ambidextre n’est pas une caractéristique des entreprises fortement innovantes mais une condition d’innovation perpétuelle sur le long terme.

Ainsi, la recherche a évolué pour pallier cette incomplétude jusqu’à construire le concept de l’ambidextrie. En effet, s’il est important pour une entreprise de développer une stratégie combinant la rapidité d’introduction de nouveaux produits, en se basant sur les compétences acquises, et la variété en engageant des compétences nouvelles pour faire face aux évolutions rapides de son environnement économique et concurrentiel, la réalisation du juste équilibre entre l’exploration et l’exploitation est une tâche essentielle pour la pérennité de toute organisation même si elle s’avère extrêmement compliquée[1] (March, 1991).

Il est bien connu que ce qui est compliqué ne veut pas dire automatiquement impossible. Du moins, le renouveau du courant de recherche portant sur la stratégie accordera une place particulière à l’ambidextrie en y proposant à chaque fois de nouvelles pistes. Avertissons néanmoins le lecteur de la confusion possible qui peut se révéler autour de l’activité de recherche et développement et son articulation avec l’ambidextrie. En effet, si la R&D a pour mission, selon les objectifs de l’entreprise, soit de nourrir plus l’exploitation, soit d’alimenter plus l’exploration, cette configuration ne règlera pas le problème de la conciliation entre les deux logiques, car nous supposons que l’appropriation des connaissances et le développement des compétences organisationnelles ne seront pas totales, au contraire d’une logique ambidextre qui prône un apprentissage organisationnel plus fécond sur le terme, par le mouvement des ressources d’une logique à une autre. La fonction R&D, dans ce cadre ne peut constituer qu’un socle solide et une couche supplémentaire favorisant une ambidextrie performante.

Ainsi, et pour mieux cerner les structures et les designs organisationnels qui favorisent l’ambidextrie, les récentes recherches font la distinction entre une «ambidextrie structurelle» et une «ambidextrie contextuelle», qui sont toutes deux des pistes de réflexion et modèles quant à l’assise et la robustesse du concept de l’ambidextrie, ce que l’on discutera dans le prochain billet. 

 

[1] Gibson et Birkinshaw (2004) démontrent que la concentration d’une logique sur l’autre tend vers des tensions intra-organisationnelles.