Les entreprises familiales en Afrique

Les entreprises familiales en Afrique

Troisième opus d’une collection d’études de cas résolument ancrée dans les pays du Sud, les auteurs vous proposent un éclairage sur des entreprises familiales très diverses.


Télétravail au Maroc

Télétravail au Maroc

Economia, centre de recherche de HEM, a le plaisir de vous faire découvrir sa dernière étude de terrain consacrée au télétravail au Maroc. 

Une première au Maroc, cette recherche a été conçue, construite et élaborée, entre avril et septembre 2020. 

Le rapport d'étude intitulé " Le télétravail au Maroc. Nouveaux espaces, nouvelles temporalités, nouveaux rapports au travail ?" vous permet de découvrir les grandes tendances, le vécu et les projections des acteurs marocains relatifs au travail à distance.

Pour repenser l’autonomie

Auteur : Julien Allavena

Le politiste français Julien Allavena retrace l’histoire et les apories du mouvement de l’autonomie.

Ils sont souvent confondus avec l’ultra-gauche. Mais en 2018, les autonomes se sont dit « débordés par les gilets jaunes » en France, alors même que pour décrédibiliser le mouvement, le gouvernement les assimilait à eux. « Les gilets jaunes ont constitué un phénomène incarnant plus qu’aucun autre la tactique en question, en ayant à nouveau réuni ses deux moitiés – événementialité et immuabilité –, sans jamais se montrer conscients de la tradition qu’ils ravivaient. » Doctorant en Sciences politiques à l’Université Paris VIII et traducteur de Contre la révolution politique. Netchaïev, Bakounine, Dostoïevski, de Nicola Massimo De Feo (Divergences, 2020), Julien Allavena, s’intéresse à ce paradoxe révélateur de la crise du mouvement de l’autonomie. Ou plutôt de « l’hypothèse autonome » – de même qu’Alain Badiou évoquait « l’hypothèse communiste » –, qui a singularisé de nombreux mouvements en Europe, notamment en Italie et en Allemagne. D’autant que, depuis une dizaine d’années, un renversement s’est produit : en 2016, par exemple, lors des manifestations contre la « loi travail » en France, les non-encartés ont formé un cortège de tête. « Quittant les marges de la gauche où elle était confinée et criminalisée depuis les années 1980, [l’autonomie] se positionne désormais au centre des conflits sociaux » dont elle est devenue le moteur – ce qui interroge le rapport à la légalité, quand le champ de celle-ci s’amenuise.

L’auteur se fait d’abord historiend’un ensemble d’événements très différents mais qui ont en commun, dans la seconde moitié du XXème siècle, de prendre des distances avec les organisations politiques et syndicales jugées incapables de prendre le parti des dominé.e.s et d’imaginer d’autres manières de « concilier libération individuelle et émancipation collective ». Il évoque ainsi les années de plomb en Italie, les squats en Allemagne, les luttes antinucléaire, homosexuelle, féministe… Occupation de l’usine Fiat-Mirafiori à Turin en 1962, Bande à Bonnot, ZAD de Notre-Dame-des-Landes, groupes anarchistes et situationnistes… Ces mouvements ont des points communs : dans l’après-guerre, ils partagent en effet une hostilité à « la consubstantialité grandissante entre politique publique et capitalisme ».Ils impliquent également une pensée de la différence comme facteur de libération, une remise en question des rapports sociaux par une rupture avec leur norme. Conflictualité et communisme sont au cœur des réflexions et des pratiques visant à « façonner un monde ».

Conscient du risque de modéliser et d’uniformiser des réalités très différentes, Julien Allavena insiste sur la subjectivité des acteurs et sur leurs références même mineures, ce qui donne un livre très dense, à la fois riche et à la recherche des nuances. « L’hypothèse autonome est pour moi à comprendre comme le produit d’une confrontation pratique et historique entre l’axiome dont elle dépend et le contexte où elle intervient, c’est-à-dire entre sa positivité éthique et sa possibilité matérielle ».

Luttes situées et apories

Cependant, insiste Julien Allavena tout au long du livre, « l’autonomie ne suffit pas, hier comme aujourd’hui » : il s’intéresse de près aux échecs de ces mouvements. La conclusion s’intitule en effet « Savoir perdre ». Face à la « triade patronat-État-police », ils sont d’abord révélateurs de rapports de force défavorables et témoignent de la défaitedes protagonistes, à savoir la classe ouvrière.L’auteur rappelle que si des centaines de milliers manifestent, ce sont des millions qui se taisent. De plus, il perçoit dans le fait de persister dans les violences émeutières « sans autre horizon que de faire pression sur un pouvoir gouvernemental qui ne considère plus les manifestations ordinaires » comme une sorte de « réformisme émeutier ».

L’auteur souligne également plusieurs impasses déterminantes : le délitement de l’État Providence, la décomposition d’un dialogue social impliquant syndicat de travailleurs et organisations patronales et le fait qu’« il ne reste rien de la composition sociale qui a pu donner lieu à une lutte contre le mode de production capitaliste ». L’autonomie, réduite à la défensive, serait tenable à une plus petite échelle, couplée à l’autonomie alimentaire : c’en serait l’« hypothèse maquisarde ». Face à de hauts niveaux de répression, elle risquerait d’autre part de se faireconspiration. En troisième lieu, le rapport à la violence, qui doit ne plus être « codée exclusivement comme une performance de genre masculine », doit faire l’objet d’une réflexion. Par ailleurs, aujourd’hui, « la réalité du capitalocène » remettant en question « la situation du vivant à l’échelle planétaire » et créant des dégâts et risques que l’État ne peut plus gérer amène à considérer la révolution, avec Benjamin, comme un « frein d’urgence » et à revaloriser la « maîtrise collective, autonome et libératrice de certaines techniques ».

Au centre de la réflexion de Julien Allavena, la question de la production. Face à la dissémination du capitalisme dans tous les aspects de la vie, il s’inquiète du contrôle sur les individus et de la gouvernance « par la socialisation même » : « On ne compte plus les agencements socio-économiques dans lesquels les individus sont immédiatement pris comme dans autant de dispositifs de subjectivation répressive ». Et surtout, quand « la langue du politique, y compris antagoniste, fonctionne à vide » et est devenue incantatoire, c’est le langage même qu’il s’agit de recréer pour « reconquérir des conditions d’énonciations opérantes ».

Julien Allavena s’interroge sur les expériences de « contre-socialisation » spontanées nées pendant le confinement, du détournement des moyens de communication numériques pour créer de nouvelles solidarités, expériences liées à « un état d’exception populaire qui double l’état d’urgence étatique » mais qu’il pressent éphémères. Et il se demande quelles formes prendront les pratiques, renouvelées voire radicalisées, de l’autonomie. Pour que ses actions ne demeurent pas sans lendemain.

L’hypothèse autonome

Julien Allavena

Éd. Amsterdam, 300 p., 18 €


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