Sandy… mais pas trop !

Sandy, bien sûr l’ouragan qui a dévasté une partie des Etats-Unis dont nous avons suivi son actualité récente. Mais alors quel rapport avec le management ? Ce dont il est question ici relève des stratégies dites de rupture, stratégies qui visent à perturber un ordre local en interne : ce que l’on peut qualifier de « management par la rupture ». Afin de mieux cerner la philosophie de ces stratégies, il convient de revenir à l’étymologie du mot « rupture ». En effet, nous l’entendons plus dans le sens de la transgression d’une loi qui infléchira la pratique vers de nouvelles trajectoires, que de la cassure ou de la cessation d’une activité. L’intérêt premier de ce type de démarche réside dans le combat à l’attentisme et l’inertie, fatals dans un contexte en perpétuel mouvement dans lesquelles s’insèrent les entreprises aujourd’hui.La pratique délibérée de ce type de management génère un effet déstabilisateur pour des équipes projet, ou pour des collaborateurs en général…mais qui se veut dans le même temps créatif.

Le management par la rupture

Manager la rupture en interne constitue un gage de compétitivité par l’entremise de l’acquisition de nouvelles connaissances. Comment? L’idée consiste à introduire (par les membres dirigeants) des éléments perturbateurs, fluctuants, déstabilisants, un « effet Sandy » d’où naissent de nouvelles alternatives de construction de sens, sources de nouvelles connaissances. Dans cette perspective, la déstabilisation des paradigmes de pensée, des schémas mentaux et de la base de connaissances, est voulue. En effet, théoriquement, reconfigurer sa base cognitive en intégrant de nouvelles façons de penser conduit à un apprentissage à long terme et à la polyvalence[1].

Ainsi, plusieurs stratégies sont possibles. Apporter de l’ambiguïté, même si cela peut paraître paradoxal, peut parfois s’avérer utile pour des équipes de développement d’un nouveau projet dans le sens où cela les mènera à explorer toutes les voies possibles et à s’interroger sur les bien-fondés de la chose (et donc co-construire un sens). L’origine de cette démarche est que face à une rupture, une opportunité nous est offerte de reconsidérer notre pensée et notre perspective fondamentale. Il en est de même lorsqu’il s’agit de stimuler l’interaction entre l’organisation et son environnement en adoptant une attitude d’ouverture aux signaux et bruits extérieurs pour des collaborateurs confortablement routiniers afin d’améliorer leur propre système de connaissances.

Il est préconisé à ce propos (Winograd et Flores) une « fluctuation » de la rupture en introduisant des ruptures périodiques créant ainsi un processus continu de remise en question. Foerster nomme ce phénomène « ordre provenant du bruit » ou « ordre provenant du chaos », qui dans un souci de déstabilisation et de questionnement voulu, impose aux membres d’une organisation à se focaliser sur la définition d’un problème et la résolution de celui-ci. Ce principe nous rappelle soit dit en passant un principe des systèmes complexes selon lequel la création d’un ordre passe nécessairement par un certain désordre (l’entropie négative). Quelques petits ouragans donc sont souhaitables pour faire bouger des lignes cognitives vers une remise en question des façons de faire, c'est-à-dire créer un effet de surprise amenant les collaborateurs sur des terrains éloignés des leurs.

Pour conclure, un « effet Sandy» exige de la part des dirigeants une tolérance (difficile) au chaos mais sans y sombrer, et de la part des collaborateurs une acceptation (elle aussi difficile) de la dissonance. Encore une aventure managériale qui demande à voguer par vents contraires.

 

[1] Apprentissage en « double boucle » (C. Argyris), ou de type II (G. Bateson)