Créativité et Création de valeur
«(…) Dessine moi un mouton.
(…) Je sortis de ma poche un stylographe. Mais je me rappelai alors que j'avais surtout étudié la géographie, l'histoire, le calcul et la grammaire et je dis (...) que je ne savais pas dessiner. (...)
- Ça fait rien. Dessine moi un mouton.
Comme je n'avais jamais dessiné un mouton je refis pour lui, l'un des deux seuls dessins dont j'étais capable. (…) Je fus stupéfais d'entendre (...):
- Non! Non! (...) J'ai besoin d'un mouton. (...)
(…) Alors, faute de patience,(…) je griffonnais ce dessin-ci. Et je lançais:
- Ça c'est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans. (…)
- C'est tout à fait comme ça que je le voulais! (…)
Et c'est ainsi que je fis la connaissance du petit prince. "*
Cet enfant demande simplement à rêver, s'émerveiller. Aussi sous ses yeux et en dépit du bon sens, le mouton pourra-t-il grandir, dormir, manger, et peut-être même voyager! Quant à cet adulte, qui ne sait, dit-il, que les disciplines qu'il a apprises, il s'est contenté de faire appel à ses connaissances pour répondre à la demande. Le Petit Prince renvoie cet adulte à sa propre créativité et dit: Think outside the box!
La créativité: qu'est-ce donc que ce Graal qui intrigue et fascine tant?
Edouard de Bono* a théorisé sous le concept de Pensée latérale un ensemble de techniques de créativité, consistant dans l'approche plurielle d'un problème, plutôt que linéaire.
La pensée latérale se définit par opposition à la pensée verticale. Alors que cette dernière est caractérisée par la continuité, la validation des étapes et des résultats intermédiaires, la pensée latérale, elle, accompagne l'innovation et invite à envisager une solution impossible comme étape à l'émergence d'une solution valide: s'autoriser donc à penser l'impensable, pour penser le possible! Toutefois, les processus créatifs sont souvent interrompus par des paradigmes et des schémas ancrés qui appellent des objections telles que: Impossible! Stupide! Irréaliste!
Une récente étude IBM a révélé que la principale qualité du manager est la créativité, génératrice d'innovations et de valeur. Depuis quelques années, les économistes parlent de l'émergence d'une économie de la créativité et son apport dans la croissance économique.
Et voilà-t-y que pendant que le monde trépigne, théorise et s'émerveille sur cette économie nouvelle, au Maroc, un enfant qui pose une question reçoit une dérouillée pour insolence.
Driss Khrouz a récemment résumé la question en une phrase édifiante: « L'éducation nationale a produit une génération de nigauds ». Ne parlons pas éducation, laissons donc Pandore dans sa boîte, mais plutôt nigauds: Comment cette génération va-t-elle créer de la valeur pour notre pays? Et si la nigauderie avait un effet d'éviction sur notre économie?
Qu'attendent les entreprises pour exercer enfin le lobby nécessaire auprès de l'éducation? Elles sont seules à pouvoir agir et faire agir vite, afin d'hériter peut-être, pour la génération prochaine, d'une génération de créatifs.
Impossible, dites-vous?
* Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupery
* Edouard de Bono: psychologue, médecin, spécialiste en sciences, spécialiste de la créativité
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