Entreprise familiale : Suffit-il d’investir ?
Investir est, sans conteste, l’un des critères cruciaux pour le succès des entreprises familiales. Mais suffit-il d’investir ?
La COMARIT est l'exemple marocain par excellence des entreprises familiales qui de par sa politique d'investissement et de rachat extrêmement ambitieuse, dans un secteur maritime entré en crise en 2008, a fini par chavirer. Derrière cette mésaventure, une politique d'investissement et d'endettement mal raisonnée, une gestion hasardeuse s'étant traduit par des difficultés de trésorerie qui à leur tour ont alimenté la tension sociale au sein de la société.
Au-delà de la capacité d’investissement elle-même, la réussite d’un investissement dans les entreprises familiales dépend d’au moins quatre critères liés directement aux dirigeants : le degré de leur vigilance au niveau de la sélection des projets, la clarification de leurs décisions financières, la planification à l’avance de la continuité de leurs entreprises, et (surtout) l’intention de mener un niveau d’investissement donné. Ce dernier critère, le plus important à notre sens (Berrada, El mabrouki et Habba, 2012)[1], naît sous la conjonction d’éléments divers dont spécifiquement les considérations patrimoniales et les contraintes financières ressenties ou prévisibles par les dirigeants.
Il apparaît ainsi que les origines de la spécificité du processus d’investissement des entreprises familiales ne tiennent pas fondamentalement à l’importance des opportunités de croissance elles-mêmes, mais aux comportements des dirigeants.
Par ailleurs, les comportements des dirigeants, incontestablement importants, restent nécessaires mais insuffisants. La capacité à maîtriser leur exposition au risque (garanties familiales, etc.) et leur visibilité de l’environnement financier sont aussi importants. La centralité de ces deux leviers interpelle l’intervention concertée des établissements financiers et des pouvoirs publiques.
Les premiers doivent remettre en cause l’intensification du risque pour les dirigeants et les actionnaires familiaux. Les exigences de garanties qu’ils demandent menacent la préservation des patrimoines de la famille et des actionnaires principaux. Elles atténuent par conséquent le rôle de la responsabilité limitée des actionnaires. La confusion patrimoniale qui en nait risque d’être défavorable à l’investissement de manière générale.
Les seconds, au-delà des mesures ponctuelles, comme c’est le cas des actions d’ordre fiscal visant à inciter les actionnaires familiaux à préserver leur part de capital, doivent faire preuve d’une réelle volonté d’améliorer la visibilité qu’ont les dirigeants familiaux du financement externe. Car il ne suffit pas de réformer les procédures pour modifier les comportements dans un domaine où le poids des habitudes joue un rôle décisif.
In fine, comme le dit Octave Gélinier « ne pas investir, c’est la mort lente ; mal investir, c’est la mort rapide ».
[1] Taib BERRADA, Mohamed Nabil EL MABROUKI, Badr HABBA (2012), « L’effet des contraintes financières sur les entreprises familiales : du fatalisme à l’action », 12th Annual IFERA World Family Business Research Conference, Bordeaux.
Leave a comment