Platinium, pragmatique jusqu'au bout

Platinium, pragmatique jusqu'au bout

Créée en 2003, mais officiellement opérationnelle en 2004, Platinium Music, installée à Casablanca, est une maison de disques, de production, d’édition et de distribution musicale. Dès son ouverture, la structure insiste sur sa dimension militante : «Depuis le premier jour, le but de Platinium Music est d’aider les jeunes talents et de lutter contre le piratage» explique Assi Najmi, directrice artistique et production. But qui est par ailleurs un  vaste chantier national dans l’air du temps et dans lequel s’inscrit un certain nombre d’acteurs. «Maison de disque n°1» au Maroc, elle est en tout cas la première à avoir fait le pari d’instaurer un circuit de distribution différent des structures traditionnelles, après trente années de production nationale orientée quasi-exclusivement vers le commercial et reposant sur une distribution illégale. Une des premières aussi à avoir saisi le potentiel de la «nouvelle» scène urbaine marocaine/casablancaise dès ses débuts.

CHOIX D’ARTISTES PRUDENT ET POINTS DE VENTE DIVERSIFIÉS

H-Kayne, Amarg Fusion, Ahmed Soultan, Nabyla Maan, Fnaïre, certains grands noms de la «Nayda» mais aussi des «classiques» de la musique marocaine comme Nass El Ghiwane, Najat Aatabou, Malek, Amouri Mbarek, sont sur le tableau de chasse de la maison… Une sélection artistique «prudente» qui fait dire à certains que Platinium Music a fait le choix facile des artistes commerciaux. Pourtant, la production de l’album «Kssat Tager» des «Abidate R’ma» est un pari plus audacieux qui exprime la volonté de participer à la préservation d’un patrimoine qui n’obéit pas forcément aux mêmes règles du marché.

Liée par une licence avec Universal Music France et Emi Music Arabia, cela leur permet d’avancer dans leur catalogue l’honorable chiffre de 360 albums. Comme dans le choix de leurs artistes (traditionnels et modernes), leur réseau de distribution comprend les circuits «Souks-Medinas» sur l’ensemble du pays, mais aussi des points de vente novateurs avec l’antenne casablancaise de Virgin, les stations Ifrikiya, les hypermarchés Marjane dans tout le pays, ainsi que les supermarchés Label Vie pour Casablanca - Rabat - Salé, Comarit et les boutiques des aéroports. Des initiatives qui visent à mettre en place un réseau efficace et tentent de lutter contre le fléau du piratage.

RECOURS FORCÉ AU SPONSORING ET À L’ÉVÉNEMENTIEL

Force est de constater que «cette révolution» n’est pas encore gagnée malgré les efforts financiers réalisés par Platinium Music. «Après avoir sorti un produit fini dont les frais d’enregistrement, de mixage et de mastering coûtent très cher, on est piraté à Derb Ghallef», regrette Assia Najmi. Un bilan très modeste donc : «On arrive à peine à vendre 2000 CD correctement». Face à ces difficultés, le sponsoring de grandes entreprises (Coca-Cola, Akwa Group, Méditel) devient indispensable. Pour les mêmes raisons, le prix du CD est passé de 50 dhs, à 30, puis 13 dhs. «C’est le même prix qu’un CD piraté», déplore Assia, qui regrette aussi  que le support du disque ait été sacrifié. Le box avec livret est troqué contre une simple pochette cartonnée.

Malgré ces mesures, cela reste insuffisant et la jeune boîte se voit dans l’obligation de diversifier ses activités en créant en 2008 un département «événementiel» auquel est consacré l’essentiel du personnel : 4 commerciaux, 1 directrice commerciale, 1 responsable « B to B », 1 responsable événementiel. A l’actif du nouveau département : la tournée «clé en main» Attijariwafabank, celle de la caravane «1200 ans d’histoire du Maroc»... Au secours de «la maison de disques n°1», mise à mal par le capricieux marché de la musique marocaine, s’ajoutent le booking et le management depuis un an et demi. «Le CD est juste un moyen de communication et de promotion de l’artiste, c’est la scène le vrai gagne-pain pour le producteur et l’artiste, sinon on ne gagne rien, ce qui marche actuellement, c’est l’événementiel». C’est à cette conclusion qu’en est arrivée la structure au bout de six ans d’existence. Côté distribution, le bilan semble donc mitigé. Quid de l’autre objectif, celui d’aider les artistes et les jeunes talents ? Côté artistes, le groupe H-Kayne par exemple a choisi pour son 3ème album «Hkaynology» (sorti en 2009) de ne pas renouveler le contrat de production qui les liait à Platinium Music (lequel avait pris en charge les frais de production de leur 2ème album «HK 1426»). Visiblement pas satisfaits de leur collaboration avec le producteur, et sans doute pour rester indépendants, les membres du groupe ont «préféré faire des économies sur les cachets des concerts et rester propriétaires de [leurs] chansons pour cet album», explique Othmane. 

Le challenge d’établir un contrat win/win et un lien de confiance artiste/producteur au Maroc serait-il si difficile à atteindre ? Pas facile de mettre en pratique le beau et noble slogan qu’on peut lire sur la page d’accueil de leur site internet www.platinium-music.com : «Le Maroc est un pays riche en création :

nous souhaitons  promouvoir sa musique». Souhaiter est un premier pas, mais dans le contexte de l’industrie musicale marocaine, c’est visiblement plus compliqué que cela. Et beaucoup s’y cassent les dents…