Des terroristes en quête de territoires

Des terroristes en quête de territoires

Auteur : Alexandre Adler

 

Les noms changent mais l’horreur est la même : GIA,  AIS,  Al-Qaëda, AQMI, DAESH (ISIS), Boko Haram… ont tous commis des meurtres ou commandité des assassinats au nom de Dieu.

Sous ces noms différents, une même idéologie a semé la terreur, justifiant, viols, assassinats, déplacements de populations… Dans son livre, Le Califat du sang, le journaliste Alexandre Adler, nous fait voyager du Maghreb à l’ Orient, d’Afrique du Nord jusqu’en Afrique Centrale pour suivre ces fous de Dieu.  

Pour commencer il nous conduit à la genèse d’Al-Qaëda qui, nous révèle-t-il, est d’inspiration …. marxiste. Aussi incroyable que cela puisse être : «Son père fondateur, Abdullah Azzam, était un universitaire d’origine palestino-jordanienne qui enseignait dans l’université la plus prestigieuse d’Arabie-saoudite. Sa réflexion portait sur la transposition du marxisme à l’islam politique de manière à féconder celui-ci. Il affirmait qui la doctrine marxiste, qui était fausse dans son principe puisqu’elle niait Dieu, avait malgré tout élaboré des solutions pratiques et techniques dont tout mouvement d’émancipation devait s’inspirer ». 

Mais le mouvement et l’idéologie d’Azzam sont vite récupérés par un radicaliste devenu célèbre : Oussama Ben Laden. Ce dernier commence sa propagande en aidant les pauvres, en construisant des autoroutes ... Au Soudan, le cheikh est vénéré. Ils est synonyme de bienveillance et accède au statut de grand sage.

Forte de ses nombreux adeptes, Al-Quëda essaye de s’installer au Soudan, au Tchad et au Centre-Afrique. Elle y trouvera sa plus belle expression en Afghanistan grâce à l’aide et la complicité de l’armée pakistanaise. Aussi, l’Arabie Saoudite et sa complicité  lui ont fait le plus grand bien. Mais le royaume des Al-Saoud se retira  après le 11 septembre, Al-Qaëda échappant  à leur contrôle. « C’est le moment où  Al-Qaëda rompt le cordon ombilical avec l’Islam conservateur saoudien et du golf persique, qui, non sans une certaine inquiétude, l’avait accompagné dans son mouvement ascendant ».

Mais on parle de moins en moins aujourd’hui de ces terroristes qui ont accompagné notre quotidien pendant de longues années. Al-Qaëda a été affaiblie. L’arrivée, d’autres « méchants » sur la scène médiatique l’a éclipsé. Aujourd’hui, Daesh effraie, défraie la chronique avec son drapeau noir et ses avancées spectaculaires.

Les rêves d’expansion du Califat sont bien plus précis: l’Etat Islamique en Irak et au Levant, l’a bien compris, il faut territorialiser le djihad et instaurer la Califat perdu en 1923 (à cause de Mustapha Kemal Atatürk). 

Le califat tant souhaité par Ben Laden, sera-t-il finalement réalisé par Al-Baghdadi ? Rien n’es moins sûr !

 

L’Afrique et la route du pèlerinage

A l’heure où l’on se sent cerné de toutes parts par le terrorisme, Adler ose affirmer pourtant : « Jamais les islamistes n'ont été aussi faibles à l'échelle de l'Orient islamique. On est en train d'assister aux spasmes d'un mouvement entraîné dans une décadence irrémédiable ». Toujours selon l’auteur de cet essai, si les Daesh entrent dans l’Irak  chiite ils se feront massacrer. Et pour cause, l’Iran fait aujourd’hui écran à Daesh et les Etats-Unis ont tout intérêt à composer avec.  On en voit déjà les prémices et les négociations du nucléaire iranien vont bon train depuis quelques temps. L’ennemi d’hier devient l’allié d’aujourd’hui. L’Iran tire profit du conflit et va entrer par la grande porte, après des années d’embargo, dans la communauté internationale !

Au Maghreb, Al-Qaëda a récupéré une fraction de l’AIS en Algérie. Aqmi est né avec cette même idée de territoire en s’alliant à des anciens de la branche armée du FIS. Ces dissidents qui ont œuvré sous l’emblème du GIA ont refusé la réconciliation nationale prônée par le président algérien Bouteflika. Aujourd’hui Aqmi,  continue de manœuvrer –à plus faible échelle- en Algérie et revendique toujours des assassinats dans le pays.

L’Afrique n’est pas en reste et les nombreux conflits qui secouent la terre-mère portent l’étendard du religieux. Mais toutes les tueries et les massacres que nous vivons  aujourd’hui, trouvent leurs origines dans des politiques mises en place depuis de nombreuses années.

Le dictateur lybien Kaddafi dans ses délires hégémoniques avait, par exemple, entrainé des groupes Touaregs et a formé les cadres du « mouvement de libération de l’Azwad ». Ce mouvement est composé essentiellement de Touareg maliens. Par ailleurs, « Un certain nombre de pouvoirs et de personnalités du Moyen-Orient donnent de l’argent à Aqmi, afin de soutenir l’aile radicale du mouvement de l’Azwad. C’est ainsi qu’Ag-Ghali, fort du soutien politique et militaire qui lui est accordé, ouvre les portes de ce territoire malien du Nord en train de se décomposer, à des djihadistes venus de toute la région ».

Cette pénétration africaine de mouvements islamistes radicaux soutenus par les pays du Moyen Orient n’est qu’un premier opus. Très vite Le Boko Haram (l’instruction occidentale est impie), arrive à la rescousse. Le Califat africain est en marche. Selon l’auteur, le mal du Nigéria vient de la disparition de l’animisme africain. Dans les années 50 l’Islam et le christianisme étaient des religions assez minoritaires dans la région. Mais des campagnes de prosélytismes soutenues ont laissé progresser des formes agressives des deux religions monothéistes donnant naissance à des mouvements radicaux comme le Boko Haram qui actuellement « possède ses bases vitales dans le Nord-Est du Nigéria, lesquels mordent sur le Cameroun voisin et sur le Tchad, zones qui permettent d’accéder à la route de pèlerinage, vers la Soudan d’abord, puis vers La Mecque ensuite » mais  les voies du Boko Haram restent, malheureusement, impénétrables…

 

Par : Amira Géhanne Khalfallah

Le califat du sang

Alexandre Adler

Grasset

125 pages . 176 DH