Climat d'affaires: obstacles systémiques mais progrès théoriques

Climat d'affaires: obstacles systémiques mais progrès théoriques

Auteur : Hammad Sqalli

Une politique monétaire et budgétaire stable, un taux de croissance plus soutenu et moins irrégulier, une plus grande diversification de l’économie : voici les principaux résultats, et non des moindres, des réformes engagées durant la période 2000-2009. De bonnes retombées qui ont par ailleurs conduit le Maroc a une reconnaissance internationale telle que l’atteste le statut avancé accordé par l’Union Européenne. Cependant, l’équilibre macro-économique du Maroc a été fragilisé par la crise économique et financière mondiale. Ne nous méprenons pas ! Le pays n’est pas un îlot qui poursuit la modernisation de ses entreprises et de ses institutions en marge de la mondialisation. Pour preuve, la baisse importante des exportations1 et des IDE2 apparaissent comme des indicateurs de fragilisation de l’économie. Cet équilibre est d’autant plus vulnérable que l’impact des réformes a été limité par des obstacles structurels et un déficit de mise en œuvre.

Ces deux grands constats ont notamment été mis en lumière dans le dernier rapport de l’OCDE sur l’évaluation du climat des affaires, publié en juin 2011. L’objectif de cette étude, initiée en 2009 à la demande du gouvernement marocain, à travers l’outil «Stratégie de Développement du Climat des Affaires» (SDCA) est double. D’une part, soutenir le gouvernement dans ses choix et réformes en évaluant l’existant et d’autre part, identifier, prioriser et mettre en œuvre les réformes ou actions politiques afférentes. Cet outil a été développé par le Programme MENA-OCDE et constitue un instrument visant à mobiliser l’investissement au service de la croissance et du développement durables. Il comporte à cet égard trois phases : l’analyse et l’évaluation du climat des affaires ; la définition des réformes prioritaires et projets associés ; et un soutien à la mise en œuvre de cette dernière. Il est à noter que ce rapport entérine la première de ces phases, donnant par là-même de très bons indicateurs de la situation actuelle. Soulignons également l’approche transverse et concertée de la SDCA.

En effet, douze dimensions - étudiées sur la base de deux cent quarante indicateurs - ont été l’objet de cette étude résultant d’un travail collectif entre le Programme MENA-OCDE et des acteurs privés, publics et non gouvernementaux. Cette action commune devrait ouvrir des perspectives de collaboration pour une approche plus intégrée des problématiques, c’est du moins ce qu’espèrent les analystes du Programme MENA-OCDE. Car les recommandations de ce rapport, outre celles afférentes à chacune des dimensions, mettent l’emphase sur des coordinations confuses qui entravent fondamentalement la bonne mise en œuvre des réformes.

En effet, l’exécution des différents plans ambitieux - comme le Pacte National pour l’Emergence Industrielle qui a été salué - souffre du manque de cohérence entre les différents plans sectoriels, ce qui rend difficile leur évaluation. Par ailleurs, le Comité National de l’Environnement des Affaires (CNEA) a le pouvoir de réaliser des réformes urgentes ce qui engendre une plus grande réactivité certes, mais encore une fois le SDCA note une vision trop court-termiste et de nature verticale. Autre lacune, celle du système institutionnel confus et peu adapté au monde des affaires, qui pêche par manque d’efficacité et de transparence, ainsi que par une structure trop hiérarchique. L’exemple le plus révélateur est celui du cas de la promotion des investissements dont trois organismes, placés chacun sous une tutelle particulière, ont la charge. Ainsi, la Commission des Investissements est directement placée sous la tutelle du Premier ministre ; l’Agence Marocaine de Développement des Investissements dépend elle du ministère du Commerce et de l’Industrie, quand les centres régionaux d’investissements (CRI) sont eux placés sous la houlette du ministère de l’Intérieur. Même constat pour les services horizontaux au niveau régional : la fonction du guichet unique pour les PME au sein des CRI n’est pas uniformisée selon les régions, tout comme les procédures, dans l’attente notamment de l’introduction d’un identifiant commun pour l’entreprise. Le cadre juridique n’est pas épargné, loin de là. Il est d’autant plus capital d’assainir ce cadre qu’il est le socle fondamental à tout projet économique. Rappelons-nous que l’Union européenne n’aurait pas harmonisé ses politiques commerciales sans un cadre juridique solide, de l’amont à l’aval. Au Maroc, les progrès demeurent sur le plan théorique, mais au niveau de l’exécution et de l’applicabilité, les obstacles systémiques tels que la lourdeur administrative et la corruption freinent cet élan. Les recommandations faites en ce sens portent sur une révision de la Charte des Investissements ; le gouvernement doit par ailleurs communiquer de façon plus transparente et intègre, ainsi que renforcer le système des incitations et des sanctions. Le défi de la réforme de la justice reste entier afin d’asseoir l’Etat de droit.

1 En dépit de l’accroissement du commerce extérieur passant de 25 à 77 milliards d’USD (Banque mondiale) pour la période 2002-2008, les exportations ont chuté de 13% en 2009 dont 57% sont imputés à la baisse de la demande mondiale et 27% à la facture énergétique

2 Les flux d’IDE vers le Maroc ont chuté en 2009 de 47% par rapport à 2008, soit 1,5% du PIB national, en cause, la dégradation du climat financier mondial qui a touché le tourisme et l’industrie. L’immobilier et le secteur bancaire ont mieux résisté aux chocs exogènes
 

Par : Hammad Sqalli