Quel avenir pour les petits producteurs?

Quel avenir pour les petits producteurs?

Auteur : Rachid Hamimaz

Regoverning Markets, tel est le nom de code donné au programme mondial de recherche, initié en 2007 dans 9 régions dans le monde (près de 70 pays participants) et dans lequel s’inscrivent les trois rencontres organisées au Maroc sous l’impulsion de l’Institut agronomique et vétérinaire (IAV) Hassan II et l’association Targa-Aide. Ce programme vise à assister les producteurs, entrepreneurs et décideurs à anticiper et répondre aux défis de l’environnement en mutation. Dans ce cadre, une attention particulière est portée à la relation entre grande distribution et petits producteurs.

Sans surprise, agriculteurs et acteurs économiques et institutionnels ne posent pas le même regard sur cette relation. Pour les premiers, les difficultés d’intégration au marché moderne sont principalement dues à une organisation professionnelle insuffisante, une faible information sur les marchés et les prix, un intérêt faible pour les circuits modernes de commercialisation dont la part est jugée encore malingre, l’incapacité de produire la quantité et la qualité exigées par les circuits modernes, un encadrement faible et un cadre juridique inexistant pour aider à l’inclusion, enfin une trésorerie des plus minces.

Dépasser l’informel et la désorganisation

Côté acteurs économiques et institutionnels, on préfère s’intéresser aux tendances qui poussent au développement des marchés modernes. Ainsi en est-il des changements futurs au niveau des préférences des consommateurs et du pouvoir d’achat, de la libéralisation des circuits de distribution de gros (réforme en cours), de l’extension des grandes et moyennes surfaces (GMS) y compris dans les villes moyennes, des accords commerciaux de libre échange et de la mise à niveau (textes en cours) ainsi que de la diversification de l’offre. Si pour eux, les freins au changement sont à chercher du côté des marchés informels, des changements climatiques et de la désorganisation des producteurs, reste qu’il existe 6 grandes opportunités, identifiées comme majeures lors de ces rencontres, pour faciliter l’intégration des petits et moyens producteurs dans les marchés de demain. Ont ainsi été mises en avant les opportunités réelles de tisser des liens avec les marchés, la professionnalisation doublée de spécialisation, l’implication plus forte des supermarchés auprès des petits et moyens producteurs organisés, l’accroissement de la demande en produits de qualité et l’ouverture des marchés. On le voit, les opportunités existent et ont été identifiées. Tout comme leur corollaire : les menaces majeures que représentent la standardisation des produits et l’appauvrissement de la diversité, la forte dépendance vis-à-vis des GMS, l’ouverture des marchés de plus en plus grande, des consommateurs de plus en plus exigeants en terme de qualité alimentaire, l’évolution très rapide des marchés structurés, les exigences élevées des GMS (coûts, quantité, qualité, régularité),  les problèmes d’assurance, les difficultés d’accéder au crédit, le déficit de compétences, la concurrence déloyale (informel) et le risque de disparition des souks traditionnels.

Formation et regroupement

Dès lors, quelles actions envisager afin de minimiser les effets possibles de ces menaces ? C’est lors de la 3ème rencontre, où étaient réunis l’ensemble des acteurs concernés, que des pistes ont été dégagées. Comme celle de moderniser et développer des circuits traditionnels, regrouper des petits producteurs ou encore développer la relation de partenariat entre eux et les GMS, voire la recherche d’opportunités à l’export, et ce pour répondre à l’angoisse d’une trop forte dépendance envers les GMS. 

Côté compétences, des mesures telles que la formation à la gestion et aux approches de marché, la transformation des personnes physiques en personnes morales, puis l’implication des administrations, des ONG, des collectivités locales pourraient pallier leur déficit. Quant aux effets de la menace relative à l’évolution rapide des marchés structurés, ils pourraient être, selon la recherche, minimisés par les actions suivantes : le regroupement en associations ou coopératives pour sortir de l’informel, éviter les intermédiaires et avoir des structures adaptées ; la sensibilisation des petits agriculteurs sur les nouveautés en terme de production (rendement) et qualité ; le renforcement des liens entre les petits agriculteurs et les transformateurs (par voie de contractualisation), puis l’identification de marchés niches (ex. produits de terroir) avec mise en place d’un système de traçabilité.

Certes, la menace de l’ouverture des marchés est de plus en plus grande, mais elle peut être prévenue, conclut l’étude, par l’organisation d’interprofessions prenant en compte la  qualification des petits et moyens producteurs, l’organisation des circuits de commercialisation (marchés de gros et abattoirs), le soutien aux producteurs (aides financières, exonération fiscale sur les intrants), l’amélioration de la qualité et de la normalisation (vulgarisation des signes de qualité…), ainsi que la différenciation des produits (biologique, terroir …).

Des stratégies opérationnelles

Trois rencontres auront donc été nécessaires pour formaliser des stratégies opérationnelles. La première, portant sur le producteur – petit ou moyen exploitant - concerne les facteurs d’amélioration de la qualité des produits tout le long  la chaîne de valeur -  et le partage des connaissances sur les exigences du marché. Ce qui suppose de travailler en amont sur le développement, sur les marchés et les bases de données, et le développement de capacités  (compétences, gestion financière).

Le secteur public doit quant à lui revitaliser le rôle et les fonctions des agents d’exécution incluant les services techniques et leur adaptation aux marchés modernes, à la planification de production et aux bonnes pratiques agricoles. Il lui revient également d’améliorer l’infrastructure de transport pour renforcer la compétitivité des petits producteurs.

Enfin, comment ne pas évoquer le renforcement des liens entre les secteurs public et privé ? Pour ce faire, de nouveaux modèles de partenariat entre producteurs et marchés modernes doivent voir le jour. De même qu’il s’agit de favoriser le développement de partenariats précis et exigeants entre producteurs et détaillants modernes, connus sous le label de «Grande distribution». Vœux pieux ? Plutôt, pistes plausibles à creuser. 

 

Par : Rachid Hamimaz