Les médias marocains en Afrique, la nouvelle aventure

Les médias marocains en Afrique, la nouvelle aventure

Que font les groupes de médias marocains en Afrique ? La première incursion date des années 90, époque où la SOREAD (Société d’Études et de Réalisations Audiovisuelles produisant 2M) avait des ambitions internationales. Il en est resté aujourd’hui la diffusion des programmes à travers le satellite Atlantic Bird arrosant le continent, mais rien de plus.

Plus tard, la radio Medi1, alliant intérêts français et marocains, a cherché à se positionner en Afrique de lOuest. Lexpérience se poursuit avec une certaine constance ; cette radio de la Méditerranée, de plus en plus consciente de la concurrence sur ses marchés traditionnels, essaie de se renouveler, de diversifier ses produits et de s’étendre sur de nouveaux horizons, notamment en Afrique de l’Ouest. Elle le fait dans le sillage des groupes économiques français et marocains qui investissent ou cherchent à le faire dans cette région. Medi1 émet aujourd’hui vers l’Afrique en ondes courtes, ainsi que par Internet et Satellite sur NileSat et Hot Bird.

La presse…

Les nouvelles avancées marocaines sur le marché des médias en Afrique sont cependant d’une autre nature. Le groupe Eco-Médias a créé un journal hebdomadaire portant le même nom que L’Économiste marocain au Burkina Faso. Il est le premier hebdomadaire économique de ce pays. On y retrouve d’ailleurs plusieurs des fameuses rubriques du journal marocain. Paraissant chaque lundi, cet hebdo de 24 pages est imprimé au Maroc et acheminé à Ouagadougou sur les vols réguliers de la RAM.

Eco-Médias s’engage ainsi dans une nouvelle voie. Son directeur général, Khalid Belyazid, explique : « L’Économiste a créé ce projet dans le sens de sa communauté, de ses partenaires au Maroc, ses lecteurs et ses annonceurs. Pour nous, l’Afrique est notre champ de développement naturel. La vision est de reproduire l’expérience actuelle dans les pays africains francophones qui se seront stabilisés ou que nous estimerons prêts à accueillir une presse indépendante. Après la presse, nous tenterons la radio, avec ou sans partenaire local. » Quels sont les atouts de démarrage de ce projet ?  « Nous partageons avec beaucoup de pays un outil, la langue française. Dans la presse marocaine, et dans notre groupe en particulier, il y a des Africains subsahariens qui travaillent avec beaucoup de succès et qui, humainement, familiarisent les Marocains à ce continent et montrent les compétences africaines. Nous avons recruté de bons journalistes et techniciens sans difficulté », a-t-il affirmé.

Tout le personnel a été formé dans les services de L’Économiste à Casablanca, grâce à des stages de trois semaines. Des compétences du groupe sont allées également faire de l’encadrement sur place, du service informatique à la rédaction. Le montant de l’investissement au démarrage atteint trois millions de dirhams, ce qui couvre les équipements et la trésorerie de lancement. L’investissement est totalement supporté par Eco-Médias à travers sa filiale burkinabée à Ouagadougou. L’objectif est un journal professionnel, qui assurera à terme son équilibre économique, même si « ce nest pas le gain immédiat qui est recherché », déclare M. Belyazid.

Pour les promoteurs de ce projet, deux atouts ont rendu possible cette aventure. Le Burkina Faso est, d’une part, un pays socialement mature dans lequel la presse peut être professionnelle et indépendante, et d’autre part, de grandes entreprises marocaines sont présentes dans ce pays (RAM, Banque Populaire, BMCE et Attijariwafa bank avec ses filiales, Maroc Telecom (ONATEL), Addoha, une école de gestion, etc.).

… et la radio

L’aventure subsaharienne a aussi attiré d’autres acteurs, tel que l’opérateur radiophonique marocain Hit Radio. Ce média thématique, tourné vers le divertissement des jeunes, s’est rendu compte que les ondes FM de la plupart des pays francophones et lusophones africains n’ont pas de radios destinées aux jeunes. C’est cet espace qu’elle entend combler par son déploiement. Elle diffuse depuis plusieurs mois déjà à Bangui (capitale de la République centrafricaine) où elle a décroché une licence. Le contenu est centré sur une programmation musicale pour la jeunesse. Au fur et à mesure de l’installation de Hit Radio sur le réseau FM national, il est prévu d’initier une production et une programmation locales. Mais, pour le moment, le centre émetteur à Bangui ne fait que transmettre des programmes provenant d’une antenne de Hit Radio à Lomé au Togo, réalisés avec la collaboration d’un intervenant local de ce pays. Le directeur général de Hit Radio, Younes Boumehdi, explique que le français est le principal support linguistique, et que la radio passe des productions musicales internationales, marocaines ou locales. Créée en 2007 au Maroc, et diffusant aujourd’hui sur 74 fréquences, Hit Radio est une petite entreprise familiale, avec 50 salariés au Maroc et 7 autres au Togo, dont les dirigeants portent l’ambition africaine depuis 2010. Elle a effectué de nombreuses demandes de licences, 21 à ce jour. Elle en a déjà obtenu 5, dont celle du Gabon, où elle émet sur Libreville et Port Gentil, et du Sénégal, où la licence ne couvre pas Dakar pour cause de non-disponibilité des fréquences. Hit Radio est également présente sur les réseaux sociaux. Le projet de l’extension africaine se déroule selon un rythme qui ne gêne nullement M. Boumehdi : « Pour le Niger, la demande de licence est en cours d’étude par les autorités de ce pays. Au Burkina, Hit Radio a soumissionné à un appel à candidature en octobre 2013. Au Tchad, un accord préliminaire a été conclu et au Cap Vert, pays lusophone, la demande est en bonne voie. » Pour les autres pays (Congo Brazzaville ou Guinée Conakry par exemple), les procédures sont également en cours et partout, affirme Younes Boumehdi, l’accueil est plutôt favorable. Selon lui, l’installation dans les cinq pays où les licences ont été délivrées est presque achevée. Le format proposé est à chaque fois le même : un programme musical qui intègre les productions africaines et internationales ; la primauté de la langue française et une dose de musiques et présentations en langues locales. Pour le moment, l’équipement et l’ensemble des productions sont concentrés sur Casablanca, d’où part tout le matériel. D’après M. Boumehdi, l’investissement global est à ce stade supportable par la chaîne, et même s’il ne peut pas assurer un équilibre vu l’état embryonnaire du marché publicitaire dans beaucoup de pays, les perspectives à moyen terme sont prometteuses. Concernant la partie anglophone africaine, Younes Boumehdi ne la met pas à l’ordre du jour, « Là existent d’autres offres. Il y a une maturité différente.».