Les fondements philosophiques du système éducatif marocain

Les fondements philosophiques du système éducatif marocain

La réforme du système éducatif marocain est un sujet particulièrement d’actualité au Maroc, pointé du doigt par les organisations internationales et en décalage avec les ambitions de développement économiques affichés par le Royaume. Cette première table-ronde organisée par le Cesem, centre de recherche de HEM, a duré deux heures et a démarré par une présentation de Mr. Bounfour d’une trentaine de minutes avant de laisser place aux réactions et commentaires de la part des participants.

 

Introduction

M. Bensalem : « L’initiative de ce cycle de table-rondes survient suite à ma rencontre avec Mr. Bounfour durant laquelle nous avons évoqué son projet d’ouvrage sur sa réflexion autour de la réforme du système éducatif marocain, une réflexion fruit d’une longue expérience unique, puisqu’il a été à la fois professeur au primaire, secondaire et supérieur au Maroc avant de s’installer en France.

Mr. Bounfour réside aujourd’hui à Paris où il est professeur des universités à l’Inalco (l’institut national des langues et civilisations orientales), titulaire d’une agrégation arabe, linguiste, et philologue spécialiste de la langue de la littérature et de la culture berbère. »

Présentation par Mr. Bounfour

« L’éducation n’est pas du tout mon champ de recherche ni ma spécialité mais c’est bien parce que je ne suis pas un spécialiste de l’éducation au sens académique et universitaire du terme que les choses peuvent probablement être énoncées de manière claire et simple. Je voudrais donc ici défendre quelques idées sur le système éducatif du Système de l’Enseignement de l’Education et de la Formation (SEEF).

J’ai suivi autrefois une formation d’instituteur à l’école normale d’instituteur puis une formation d’enseignants du secondaire à l’école normale supérieure, dont nous avons un des anciens directeurs présent parmi nous, et bien évidement je n’ai pas suivi de formation de pédagogie lorsque je suis devenu professeur du supérieur. Les enseignants du supérieur seraient visiblement des pédagogues de naissance ؟

Les textes des différentes réformes de notre système éducatif sont, selon moi, complets (Charte de la COSEF) et ont la prétention légitime d’avoir une portée globale. Il ya là une représentation de l’institution scolaire dont on rêverait mais le problème est qu’ il y’a un hiatus ; mon ami Abd El Jalil Lahjomri dirait une rupture, une incohérence entre ce qu’on se représente et la mise en œuvre de cette représentation.

La deuxième remarque, concernant ces textes est que tous les volets sont couverts hormis un, la gouvernance éducative. Je dirais que c’est l’inconscient même de toutes ces réformes qui n’est étonnamment pas évoqué. Les parents, les élèves et les enseignants sont pointés du doigt mais la gouvernance de ce système éducatif semble ne poser aucun problème ؟Je trouve ceci très curieux.

Voyons donc quels sont les fondements de ces réformes qui sont en général inscrits dans les constitutions et les lois d’un pays. Nous avons la trinité du religieux, du territoire de la patrie et du politique auxquels j’ajoute la langue qui reste incrustée dans toutes les constitutions de ce pays. Bien qu’elle pouvait aller plus loin, la dernière constitution enregistre une avancée significative, selon moi, car elle affirme une régionalisation avancée et la promotion du multiculturalisme et multilinguisme. Partons de là. J’y reviendrai.

Toutes ces réformes globalisantes ont ceci de commun : l’ambition de préserver une identité nationale tout en s’ouvrant sur la modernité par le biais de la science et des langues étrangères. Partons de la réalité actuelle. Il existe quatre types de discours pour cerner la question de l’identité nationale : le discours arabiste, identitariste, culturaliste et nationaliste.

  1. Le discours arabiste conteste bien évidemment le discours occidentaliste avec une opposition massive entre tradition et modernité.
  2. Le discours autochtoniste réfute bien évidemment le discours contraire, le discours allochtone. Dans ces discours-là, c’est toujours la langue maternelle qui est revendiquée comme marquage identitaire.
  3. Le discours culturaliste défendrait une culture originelle, une culture essentialisée, au point qu’il manque de rationalité et s’oppose au discours scientiste.
  4. Le discours nationaliste est, en réalité, un syncrétisme de l’ensemble de ces discours. Il a pour valeur fondamentale la liberté par opposition à la domination du discours colonialiste.

Il faut essayer de décrypter ce syncrétisme et de voir si on peut lui apporter des éléments nouveaux pour construire un système éducatif de notre temps. Je m’appuie sur deux sciences qui abordent ce discours en dehors de la linguistique ou de la sémiotique, l’anthropologie et l’Histoire.

Gellner, dans Nation et Nationalisme , définit deux types de nationalismes : le nationalisme des Habsbourg et le nationalisme des diasporas. Les populations du premier ont adoptées la culture de leur élites ce qui conduit à une homogénéisation de la société. Les populations du deuxième, Juifs et Arméniens par exemple, appartiennent à plusieurs Etats. Chaque peuple tentera de conserver sa culture par delà les frontières. Pour Gellner, le contenu de ces nationalismes est en voie de disparition car la compétition n’est plus au niveau de la langue, de la culture ou de l’Histoire mais au niveau de la science, la finance, l’économie, la technologie…

Si tel est le cas, l’idée que je défendrai est qu’il faut disjoindre la langue de l’identité nationale. Il y a une langue maternelle, celle que la mère parle avec le nourrisson. Cette langue disparait pas puisqu’elle subsiste d’une manière ou d’une autre sous plusieurs formes dans ce que j’appelle la subjectivité d’un sujet. Cette dernière est tout ce qui ne me vient pas de l’extérieur. Je vous signale que nos noms, nos prénoms, nos pays, nous viennent de l’extérieur. Nous ne les choisissons pas et constituent notre identité. La subjectivité du sujet est ce qu’il fait de cette identité. Je propose donc de ne pas faire de la langue un marqueur d’identité nationale. L’expérience des autres pays du monde nous le montre et je vais me contenter ici de cet argument empirique.

Il existe plus de 450 langues en Inde et la langue officielle est l’Anglais. La France, plus grand gardienne de sa langue nationale qui a même décrété des lois dans le but de préserver le Français, a compris aujourd’hui que la langue est dissociable de l’identité nationale. A l’université française, je suis obligé désormais de rédiger mes rapports en Français et en Anglais et ça ne choque plus personne !

Pour conclure, je rappelle qu’au Maroc, toutes les réformes de l’enseignement qui ont plus ou moins échoué reprennent toutes les trois aspects de l’identité nationale : langue, culture et religion. Faut-il alors changer ce contenu ?

En paraphrasant des livres comme La richesse des Nations  d’Adam Smith ou La pauvreté des Nations  de René Gendarme, je dirais que la vraie richesse des nations, aujourd’hui, est la matière grise, objet  d’une compétition mondiale. A ma connaissance, on n’a pas encore trouvé un moyen de produire cette matière grise en dehors d’un système éducatif performant. C’est ce contenu que doit s’appropprier le nationalisme, un nationalisme « renouvelé » qui peut, selon moi, justifier et légitimer un système d’enseignement et d’éducation et de formation de qualité et je vous remercie.

Réactions des participants

Nationalisme et richesse d’une Nation

Participant : « Pourquoi le socle est le nationalisme et non pas le patriotisme ? »

Mr. Bounfour : « Le patriotisme est anti Etat. N’oubliez pas que comme dit la théorie marxiste, le patriotisme, c’est le dépérissement de l’Etat. En revanche, le nationalisme est fondé sur un Etat. Le patriotisme est fondé sur le territoire. Pour moi, le patriotisme est d’une pauvreté claire et nette.»

Participant: « Nous sommes face à une crise pédagogique du système éducatif en entier et nos réformes se saisissent du comment plutôt que du pourquoi. Pour moi, nos réformes ne creusent pas suffisamment dans les causes. »

Tradition et modernité sont-ils mutuellement exclusifs ?

Participant: « Je reçois des dossiers de jeunes qui viennent du Maroc car j’enseigne à l’étranger et en les interrogeant à l’entretien de sélection, je me rends compte que l’on forme au Maroc d’abord des théologiens appelés à devenir ingénieurs, informaticiens, analystes financiers etc. Le volume consacré aux matières théologiques absorbe le temps nécessaire pour que l’enfant apprenne correctement des langues étrangères, étudie les mathématiques, apprenne la logique, apprenne à réfléchir et à critiquer ! »

Participant: « De 1960 à nos jours, je me rends compte que l’extrémisme gagne du terrain dans ce pays. Les jeunes aujourd’hui me récitent des choses apprises par cœur sans aucun esprit critique ! »

Participant: « Pour illustrer d’avantage, je voudrais vous rappeler ce que Mohamed Chafik m’a dit dans un dialogue dans une interview qui se trouve dans le livre métiers d’intellectuels dans lequel il raconte comment le chef du cabinet royal l’a convoqué pour lui demander à la demande du roi Hassan 2 en 1968 de faire une étude sur les études coraniques au Maroc.

Chafik a fait l’étude il en est arrivé à la conclusion que pour sortir de l’arriération et de la culture de la soumission nous devions abolir les écoles coraniques. Une semaine après, l’ordre a été donné pour généraliser les écoles coraniques. La question posée aujourd’hui, c’est quel courage politique avons-nous pour faire une rupture c’est ça la question aussi. »

M. Bounfour : « Je me rappelle quand j’étais professeur au lycée à Casablanca et qu’on a reçu les nouvelles instructions officielles pour l’enseignement de la géographie, l’Histoire, les langues etc … et on a comparé les anciennes aux nouvelles. Dans ces dernières on vous dit que l’objectif est de former un citoyen Marocain exemplaire … alors que dans les instructions officielles précédentes l’objectif était d’apprendre à l’élève à apprendre à lire un texte avec un esprit critique, à le résumer, à le disséquer, etc. »

Participant: « Les conservateurs de notre pays sont tellement puissants et ils tiennent leur force de la société, conservatrice il faut le savoir, il y a un retour au religieux. Sortir de tout cela avec des réformes que nous attendons et bien sur la constitution nous fait rêver à l’Andalousie entre autre mais en Andalousie au 12ème siècle on apprenait d’abord la langue avant le coran.

C’est difficile de changer tout cela. Dès que vous touchez au programme, les conservateurs se dressent contre vous. Vous savez à l’éducation nationale, j’ai assisté à une commission une fois où il s’agissait tout simplement d’établir un équilibre dans les programmes du bac technique où il y avait seulement 36h de cours par semaine. Et il n’y avait ni histoire ni géographie alors on a dit quand même histoire-géo c’est important surtout en terminale, c’est là où l’on s’ouvre sur le monde, il faut parler de l’économie du monde et ceux sont des techniciens, comment faire ? Va-t-on avoir un programme surchargé de 38h ? On s’est demandé sur quelles matières peut-on grignoter? 

On s’est dit qu’après douze années d’enseignement, si cet élève ne sait pas réaliser ses ablutions et ne sait pas se courber de la façon orthodoxe et bien c’est raté c’est trop tard. Est-ce qu’on ne peut pas prendre une heure sur les deux ? Pour là donner à l’histoire ? Eh bien il y a eu un tollé général, c’était en 2006, et ils ont fait du forcing et le ministre a dû céder. Il y a eu un manque de courage politique ce jour-là. »

Participant: « Je suis prof de maths, l’élève moyen lorsqu’il sort des exercices types qu’il connait par cœur il ne sait plus rien résoudre parce qu’on ne le lui a pas appris à apprendre. »

Participant: « Vous avez mentionné que la matière grise est la vraie richesse d’une nation. Je voudrais qu’on se pose la question « De quel intellectuel voulons-nous ? ». Est-ce de l’intellectuel de Gramsci, est-ce de l’intellectuel du prince, est-ce de l’intellectuel du parti ? Je pense qu’on doit d’abord définir ce que nous voulons former et pour qui ? Est-ce former des personnes libres avec un esprit critique ou former des travailleurs pour le monde de l’entreprise ? »

M.    Bounfour : « Quelles sont les richesses aujourd’hui du Maroc qui sauront lui garantir un avenir ? Est-ce qu’il a du pétrole ? Non. Je vous signale que le pétrole lui-même ne va plus suffire. Donc la seule chose que l’on voit aujourd’hui pérenne et que l’être humain peut produire, c’est la matière grise. C’est la seule chose que nous pouvons produire si nous nous donnons les moyens.

Mais disons que, si nous acceptons aujourd’hui de dire que le contenu doit être le savoir et les connaissances, ça veut dire que nous entrons dans la modernité, qu’elle soit occidentale, japonaise ou autre. A l’exemple de la Chine et de l’Inde! »

Participant: « Le problème qui est posé aujourd’hui est comment faire en sorte que le choix de modernité que nous sommes en train de discuter peut être suffisamment défendu non seulement par le haut mais également par le bas pour qu’il soit approprié, c’est ça la grande question. Un choix, même moderniste, même progressiste décrété par le haut, ne va pas percoler. C’est ça la grande question qui se pose à nous aujourd’hui. »

Participant: « On a parlé de traditions et modernité et de la question d’abolir ce clivage. A mon avis, la solution elle est là-dedans. C’est-à-dire que l’on a fonctionné un petit peu autour de ces deux espaces de manière clivée.

La tradition est du côté de l’origine, du côté du « nous » et la modernité est du côté de l’autre avec sa langue etc. notamment la langue française et on a gardé ces deux registres. Cela a marché à un moment juste après l’indépendance, moi-même aussi je suis bilingue. Ça ne marche plus j’ai l’impression. Ça ne marche plus, c’est-à-dire que la dimension du clivage pour les jeunes actuellement est devenu quelque chose qu’ils ne peuvent plus mentaliser.

A mon sens, cette question des dualités, c’est comme si c’était quelque chose qui devait toujours arriver de Rome et le bladi c’est le côté du bled, de la racine. Il y a deux questions qui se posent, la première : Nous avons beaucoup de difficultés à quitter une origine fantasmatique, imaginaire. On s’accroche à quelque chose. Ce n’est pas que l’on a un « déficit de l’identité » mais l’on a un « trop plein d’identité ». C’est pour ça que finalement nous nous n’approprions pas la modernité en la laissant de l’autre côté. »

Participant: « Aujourd’hui, la question qui est posée, c’est que jusqu’à présent, on a fonctionné avec une philosophie ; le paradigme « des mille-feuilles ». On a fait qu’accumuler des couches, de la tradition, de la modernité, de la tradition, une superposition de couches. Pour s’autoriser à aller de l’avant, il va falloir trancher pour l’acceptation de la modernité. »

Participant: « Je ne suis pas contre la traditionalité je ne suis pas contre les références socio culturelles. La cause de notre malheur est la médiocrité et l’exécrabilité du système ».

Déficit de l’enseignement des langues

Participant: « J’ai fait partie de la commission des réformes des études médicales, odontologiques et pharmaceutiques. Je suis chirurgien et donc technicien avant tout. J’ai été formé pour nettoyer une carie, pour extraire une dent mais du jour au lendemain on nous demande d’enseigner ! Ce n’est pas facile quand on a 25-26 ans avec aucune légitimité face à des étudiants dont le plus jeune a 21 ans ! On est censés être nés pédagogues ?! En plus, on trouve énormément de problèmes à transmettre face à des étudiants arabisants. Je trouve que c’est un drame, un crime, on peut qualifier ça de tous les noms mais je ne sais pas ce qu’on attend actuellement pour introduire une réforme des études au lycée pour améliorer l’enseignement du français ».

Participant: « J’ai été amené à faire des entretiens des diplômés chômeurs et c’est vrai que les diplômés chômeurs ont en moyenne, 43 mois de chômage et avec une souffrance incroyable et un gâchis considérable.

Un des chômeurs, qui doit avoir fait 7-8 ans de chômage, est allé chercher du travail en sortant de l’université et m’a dit « j’ai découvert que ma langue nationale est le français ». Ça m’a énormément marqué. »

Participant: « Enseigner est un engagement qui a un impact très fort sur l’avenir du pays et tout cela a été perdu parce qu’on a cassé quand on a mis des enseignants qui ne connaissaient pas l’arabe et on les a passés à enseigner du jour au lendemain des matières scientifiques en arabe. On n’a pas trouvé mieux pour compliquer la vie d’avantage aux enfants du peuple. »

Le préscolaire

Participant: « Je suis psy au ministère de la santé et je voudrais parler du préscolaire qui n’est malheureusement pas généralisé au Maroc à cause de la pauvreté. Toutes les familles ne peuvent pas mettre leurs enfants dans les crèches et les garderies qui sont payantes, et trop chères. Là vous pouvez demander aux instituteurs à l’âge scolaire obligatoire qui confirmeront que les enfants qui leur arrivent sans être dans le préscolaire, arrivent avec un lourd handicap aussi bien au niveau du langage qu’au niveau de la sociabilité parce qu’ils n’ont connu que la maison, il faut tenir compte de ça dans notre réflexion, c’est fondamental. »

L’échec des réformes et gouvernance éducative

Participant: « J’aimerais rappeler une expérience d’un pays qui a décidé de renouveler son système éducatif et qui l’a réussi, le Japon à l’ère Meiji. Après la fameuse défaite, ils ont décidé de rénover le système éducatif, de faire un peu ce que nous avons fait dans la charte. Ils ont répondu à toutes les questions dans leur charte, ce qu’ils veulent et comment ils devaient faire. Par contre, eux, ont décidé que cette charte devait être appliquée et c’est venu d’en haut. Et quand ça vient d’en haut, je peux vous dire que c’est appliqué. Ce qui a permis à l’ensemble de la population japonaise de l’époque d’apprendre à écrire, à compter et à lire.

Et c’est là le grand problème chez nous. Tout le monde est responsable, aussi bien l’état que les partis politiques, les nationalistes, les patriotes tout le monde. Le consensus restait de côté et l’application est tout à fait autre ! J’ai travaillé avec beaucoup de ministres et le ministre lui-même refusait parfois d’appliquer ce qui était dit dans le consensus national, alors comment voulez-vous qu’on avance ? »

Participant: « Je partage tout à fait votre point de vue concernant l’importance de la gouvernance. Rien que ce matin, j’étais en train de relire, un rapport très important du conseil supérieur de l’enseignement 2008 qui traite de manière très précise de la question de la gouvernance au niveau central, au niveau régional, les structures et je vous assure qu’il est extrêmement critique !

Et ce rapport de 2008, il vient sur la base de la charte, charte elle-même qui avait défini un bon nombre de principes de gouvernance, d’objectifs, de concertation etc … et ce rapport a été suivi par l’élaboration d’un programme d’urgence 2008-2012 qui lui-même traite de la gouvernance en long et en large. Il y a même un projet parmi les 27 qui traite spécifiquement de la question de la gouvernance.

Résultat, je ne reviendrai pas jusqu’à l’indépendance, simplement à 2012 : 1 million et demi d’enfants ont quitté l’école de manière prématurée. Les scores des marocains dans les évaluations internationales, lecture, écriture, arabe, français, mathématiques, sont catastrophiques.

On a l’impression qu’on est dans une voiture et que celui qui conduit, conçoit ou élabore les politiques a le volant, il croit avoir résolu les problèmes, moi je dis qu’on a peut-être le volant, on a peut-être un moteur mais on n’a pas de courroie de transmission !

Dans la charte, tout est prévu. Il y a la politique, la participation, l’implication, tout ce que vous voulez ! mais la réalité est que ça se décide dans des bureaux et on croit que les gens vont tout simplement exécuter. En plus du problème « décideurs / appliquants », il y a le problème de la redevabilité, élément central dans la bonne gouvernance. Quand vous mettez quelqu’un à la tête d’un ministère et que vous lui donnez, en plus des 52 Milliards de budget annuel, 43 Milliards pour atteindre ses objectifs et il arrive à 1 million et demi d’enfants qui quittent l’école, je pose la question de la responsabilité et de la redevabilité. »

Participant: «  Il s’agit de reconstruire un système après l’indépendance qui était ce qu’il était, il a évolué, il a produit ce qui était d’un certain niveau … en espoir de perfection. Et il y a eu une volonté manifeste de détruire. Parce qu’on a considéré que le système de l’enseignement et de l’éducation était un danger pour le régime alors on a détruit. Il ne s’agit donc pas de réformer aujourd’hui. Il s’agit de reconstruire et de savoir pendre l’audace de prendre les choses en tant que telles. »

Participant: « Quand on est devant cette situation et qu’on continue à vouloir apporter des réformes, c’est évident qu’on ne fait que colmater avec des résultats qui ne peuvent pas être autrement que ce que nous avons aujourd’hui. Toutes les bonnes volontés ne pourraient pas venir à bout de ce drame et je dirais même de ce crime pour le pays et c’est ça pour moi la vrai question : qu’est-ce qu’il faut faire pour reconstruire et quel est le prix à payer ?

Parce que il ne s’agit pas de vouloir arriver à des résultats sans un prix qui est lourd et ce prix ce n’est pas les 40 Milliards … c’est le nombre de générations qui paieront le prix et les chinois l’ont très bien compris, ils font payer à deux-trois générations le prix pour pouvoir assurer l’avenir des générations à venir. »

Participant: « Où sont les forces politiques et socioprofessionnelles ? On peut produire la meilleur des réformes mais si les forces politiques ne se reconnaissent pas dedans, elle ne sera pas appliquée. »