Ces femmes qui ont fait notre histoire

Ces femmes qui ont fait notre histoire

Auteur : Osire Glacier

A l’heure où l’on nous parle de parité, de l’apport de la femme à la politique, Tarik édition remonte le temps et nous renvoie à ces femmes qui ont fait d’histoire du pays depuis des siècles. Le premier voyage de cet ouvrage est tout à fait inattendu. Il nous fait traverser le Maroc jusqu’aux confins du désert de Tahagart, suivant Tin Hinane dans les méandres de l’histoire d’un peuple. On y apprend que la mère des Touareg venait de Tafilalet qu’elle quitta pour des raisons toujours inconnues  «Les peintures rupestres du Sahara révèlent l’existence d’une route ancienne, où sont marqués les points d’eau, oueds et oasis. De toute vraisemblance, Tin Hinan et Takama ont emprunté cette route», dit Osire Glacier, l’auteure de ce livre, en essayant de retracer l’itinéraire de la reine.

Malheureusement la chercheuse ne va pas plus. Le rôle politique de cette souveraine et le pourquoi de sa vénération de la part des Touareg reste un vrai mystère et Tin Hinane  garde tous ses secrets…

Osire Glacier nous emmène par la suite aux Aurès (Algérie) et nous parle de la Kahina. Un joli clin d’œil à cette femme qui a tenu tête aux invasions arabes mais qui n’a, malheureusement, joué aucun rôle politique au Maroc !

Mais ne nous éloignons pas du royaume et parcourons le monde de Moulay Smail. Nous sommes à Meknès au début du XVIII ème siècle. Une femme du nom de Zidana fait son entrée dans le palais. Ancienne esclave rachetée par le Sultan, elle deviendra sa femme, son amante et sa cruelle compagne.

C’est que Zidana, révèle l’auteure, n’a cessé de fomenter des intrigues dans le palais pour que son fils accède au pouvoir. Mais cette femme a plus marqué les esprits par sa cruauté « pour marquer son pouvoir elle se promène dans le sérail, en se faisant porter un sabre, par une servante qui marche devant elle », a gardé la mémoire populaire d’elle.  

Zidana réussit, également, à faire exécuter sa plus redoutable rivale et à écarter le fils de cette dernière du pouvoir pour que le sien y règne sans partage. Mais le destin en a voulu autrement et les deux frères périrent en se soulevant contre leur propre père !

Une autre femme aura marqué ce siècle des tourments, il s’agit de Dawiya ou Marthe Franscechini épouse du Sultan Mohamed Ben Abdallah (1756 ?-1799 ?). Dawiya vécut d’abord en captivité sous le règne du Dey d’Alger et fut par la suite, capturée à nouveau par des corsaires marocains. La jeune esclave remarquée par le souverain, devint son épouse et sa favorite. Contrairement à Zidana,  Dawiya (la lumineuse)  a marqué les esprits par ses connaissances et son savoir. Elle « aurait entre autres participé à la gestion des affaires publiques du Maroc et aurait joué le rôle de l’ambassadrice  du  pays auprès des nations européennes », révèle l’auteure au conditionnel. Car les preuves de son implication politique n’ont toujours pas été  vérifiées historiquement. En effet, on n’a jamais retrouvé de traces des supposées lettres écrites par Dawiya aux monarques européens.

 

Les redoutables armes des femmes

De celles qui ont eu un véritable rôle militaire : Rquia Bent Hadidou. (moitié du XIX)

Le journaliste Gabriel Charmes la décrit ainsi lors de l’expédition du Sultan Hassan I « Celle-ci est alors présentée en quelques lignes comme une caïda qui a attaqué le sultan ainsi qu’une unité militaire du général français Osmont ».

Rquia Bent Hadidou a non seulement réussi à avoir le titre de Caïda mais a pris les armes. Elle a combattu les armées françaises, à plus de soixante ans, rapporte la mémoire populaire. Vrai ou faux, cette femme a marqué les esprits et son rôle militaire demeure indéniable !

Figure tutélaire des Ouled Zayed, Kharboucha a écrit une partie de l’histoire du Maroc au prix de son sang. Dans la région Abda-Doukkala, les luttes contre le pouvoir central sont à leur comble. Kharboucha dénonce l’injustice des caïds affiliés au Makhzen en chantant. Cette artiste engagée est à l’origine d’Al Aïta, littéralement le « cri ». Elle y raconte le combat contre l’humiliation, son refus de se soumettre aux lois. Capturée par le caïd Aïssa Ben Omar, elle fut torturée et enterrée vivante. Mais  le Caïd n’a jamais réussi à éteindre sa voix. D’ailleurs, ces quelques vers en sont témoins :  

« Soulevons-nous dans une même rébellion/Jusqu’à ce que nous atteignions la maison de Si Qaddur(le gardien du Caïd)/ Soulevons-nous dans une même rébellion/ Jusqu’à ce que nous atteignions bukshur (un puits) ».  

Si Sayyida Al-Horra porte le nom de la liberté ce n’est point un hasard.  Celle qui régna sur Tétouan et sa région pendant trente ans, a vécu une des époques les plus troubles et les plus tourmentées de l’histoire du Maroc. Le pays fut au VX ème siècle la proie à tous les envahisseurs européens (Portugal et Espagne), Ottomans, sans compter les luttes intestines qui déchiraient le pays de l’intérieur. Sayyida Al-Horra ou Hakimat Tétouan était la fille du prince Idrisside Ali Ibn Rashed, prince de la noblesse andalouse immigrée au Maroc après la Reconquista espagnole. Elle fut également l’épouse du sultan de Tétouan, Al Mandari II. A la mort de ce dernier en 1518 elle devient… la chef des pirates ! «Elle fait de Tétouan l’un des sièges clé de son pouvoir politique. Elle y bâtit et prépare des bateaux  (…) Elle donne l’ordre à ses capitaines d’aller le plus loin possible en haute mer, le but étant de contrer les plans des envahisseurs étrangers, de capturer leurs flottilles et de garnir le trésor public de butin et de rançons ».

 

De beaux et de tragiques destins de femmes ont fait le Maroc d’aujourd’hui. Qu’elles aient été souveraines, artistes, célèbres ou totalement méconnues, les femmes n’ont jamais abdiqué.

  

Par : Amira Géhanne Khalfallah

 

Les femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui

Osire Glacier

Tarik editions

70 DH 180 pages