A propos de l'IDH et de Doing Business

A propos de l'IDH et de Doing Business

1- Introduction et motivation

Depuis toujours, et beaucoup plus aujourd’hui qu’auparavant, la compréhension des mécanismes du développement, et par la suite la mise en place de politiques de développement, exigent la disponibilité d’une information rigoureuse et quantifiée qui reflèterait le plus possible les réalités mesurées. Ainsi, et à titre d’exemple, le renforcement des capacités des populations de façon à les mieux intégrer dans le processus du développement exige la quantification claire de plusieurs dimensions socioéconomiques relatives à ces populations. Ensuite, et pour pouvoir porter un jugement valable et objectif sur les effets des différentes politiques et actions mises en place, il faudrait comparer les indicateurs calculés, d’abord dans le temps, mais aussi et surtout avec des références reconnues et qui sont généralement internationales. Ces mêmes références ou benchmarks deviennent parfois des objectifs quantitatifs et des cibles des différentes politiques.

Dans cet ordre d’idées, plusieurs indicateurs sont calculés et suivis, au niveau de presque tous les pays du monde. Ces mesures sont relatives à des grandeurs économiques, comme la production nationale, les revenus générés, parfois rapportés au nombre d’habitants, d’autres concernent par contre des dimensions sociales ou des mesures du bien-être de la population comme l’accessibilité à certains biens ou services de base (alimentation, santé, éducation, ...) d’autres sont enfin relatifs à de nouveaux aspects comme le climat des affaires, la transparence, la corruption, la dégradation de l’environnement, …etc..

Dans ce même sens, les dernières années ont été marquées par la formulation de plusieurs indicateurs composites utilisés comme critères de classements internationaux entre les pays en fonction de plusieurs dimensions. La portée et la fiabilité de ces indices puis des classements qui en découlent se sont trouvées assez souvent au centre des débats. Par construction, ces indicateurs synthétisent des dimensions plus ou moins arbitraires, selon des expressions et pondérations plus ou moins fondées et justifiées.

En parallèle, avec une demande accrue et croissante de statistiques sociales comparatives, il y a eu un développement phénoménal des indicateurs de comparaisons internationales avec des enjeux implicites en termes de politiques de développement. La Commission européenne, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Programme des nations unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale,… ont tous mis en place des initiatives dans ce sens. L’objectif parfois explicite de ces indicateurs est d’inciter les pays à se comparer en matière de « bonnes pratiques ».

Ces indicateurs et les comparaisons sur lesquelles ils débouchent sont sources de débats sur leur portée, leur formulation, leur construction d’une part puis sur les mesures ou politiques à prendre d’autres part. Ils mettent en lumière certains problèmes et en incitent les responsables à prendre les bonnes décisions déjà en place ailleurs. Lorsqu’ils ne sont pas ignorés, ces indicateurs et ces classements, malgré leur caractère parfois incertain, auraient contribué à secouer des décideurs et les auraient incités à mettre en place des actions et des programmes sectoriels d’ajustement ou de correction.

Ce texte présente, de façon critique et avec suffisamment de détails, deux indicateurs devenus de plus en plus importants en matière de classements internationaux ces dernières années. Il commente aussi l’approche différente et plus profonde de certaines organisations internationales qui se matérialise dans la rédaction de rapports pays sur certaines questions ou thématiques importantes. Nous soumettons aussi aux débats quelques conséquences de ces classements et de ces rapports.

La section 2 est donc relative à la présentation, à la construction, au calcul, à la portée et aux limites de l’indicateur du développement humain (IDH) du Programme des nations unies pour le développement (PNUD).

La section 3 traite l’approche des Rapports, devenus pratiquement annuels, dits Doing Business. Ces rapports sont construits sur la base d’une série d’indicateurs quantitatifs pour rendre compte de certains aspects du caractère réglementaire des affaires. Ces indicateurs sont utilisés pour faire des comparaisons dans le temps et entre les pays.

La section 4 s’arrête sur les structures et sur les renseignements à tirer des rapports pays de certaines organisations internationales. En général, ils sont plus structurés et plus profonds que les simples comparaisons basées sur des indicateurs statistiques.

La section 5 liste certaines conséquences et réformes qui semblent être liées aux classements internationaux alors que la dernière section conclut ce texte.

2- L’indicateur du développement humain : mesure, apport et limites

C’est un indicateur composite qui a été introduit en 1990 par le Programme des nations unies pour le développement (PNUD). Il est né dans un contexte où les mesures classiques du développement économique, et surtout le produit intérieur brut (PIB), ont été remises en cause. En effet, les mesures comme le PIB (ou le PIB par tête) sont des flux comptables qui ont été systématiquement assimilés à de la création de richesses marchandes, quelque soit leur contenu réel, mais qui n’informent en rien sur les niveaux des stocks de capitaux (de toutes natures) dont disposerait la société pour laquelle ces mesures sont calculées.

Selon d’autres critiques adressées à l’égard du PIB en tant que mesure du développement, comme d’ailleurs à d’autres mesures du même type, cet indicateur ne donne aucune information sur la « qualité » du développement, comme par exemple l’accès à la santé, à l’éducation et à la qualité du cadre de vie et des relations sociales en général.

En s’appuyant sur ces critiques et sur d’autres, les experts du PNUD élaborèrent l’IDH. Le principal objectif de cet indicateur a été de proposer une manière alternative pour mesurer, de façon synthétique et simple, les niveaux de développement de tout pays pour lequel les données pertinentes sont disponibles. Par la suite, sans que ça ne soit directement son objectif de base, cet indicateur a été érigé et utilisé comme un cadre de référence et d’évaluation des politiques de développement économique et social de long terme. Dans ce même sens, l’IDH permet d’effectuer des comparaisons entre les régions (ou autres strates) d’un même pays et bien entendu entre différents pays et c’est pourquoi il est en partie l’objet de ce texte.

L’IDH, mesuré et publié de façon annuelle, se retrouve chaque année au cœur du Rapport du PNUD et aussi de beaucoup de débats dans différents pays.

 A propos du calcul de l’IDH

Par définition, l’IDH est la synthèse de trois indicateurs élémentaires de base : l'espérance de vie à la naissance, le niveau d'études (mesuré de façon combinée par le taux d’alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation à tous les niveaux, c’est-à-dire primaire, secondaire et supérieur) et le revenu mesuré par le PIB réel par habitant, ajusté par la parité de pouvoir d’achat. Ces trois indicateurs sont agrégés selon une moyenne arithmétique pour aboutir à l’IDH. Dans son calcul pratique, pour chaque dimension, un minimum et un maximum sont établis sur la base de valeurs minimales qui ont été relevées au cours des 30 dernières années. Les valeurs maximales résultent de prévisions établies pour les années à venir. Ces bornes sont parfois appelées balises. La situation de chaque pays sur chacune des trois dimensions est rapportée par rapport justement à ces balises et est caractérisée par une valeur comprise entre 0 et 1.

La composante espérance de vie de l’IDH est ainsi calculée sur la base des balises égales à 25 et 85 ans. De cette façon, pour un pays dont l’espérance de vie s’élèverait à 72 ans, l’indicateur de cette composante serait de 0,783. De la même manière, comme le taux minimum d’alphabétisation des adultes est de 0 % et que son maximum serait de 100 %, la composante alphabétisation du savoir pour un pays dont le taux d’alphabétisation s’élèverait à 55 % serait simplement de 0,55. La statistique du ratio brut d’inscription combiné est calculée de la même manière. Pour la composante relative au PIB, la balise du minimum est de 100$ (en parité de pouvoir d’achat (PPA)) alors que celle du revenu maximum est de 40000$ (PPA). Dans le calcul de l’IDH, et pour refléter l’importance décroissante du PIB en matière de bien-être et de développement, c’est le logarithme du PIB (en PPA) qui est utilisé comme variable dans les calculs.

L’IDH, qui est une moyenne arithmétique pondérée est donc un indicateur composite dont la valeur est comprise entre 0 et 1. Plus la valeur de l’IDH est proche de 1 plus la situation mesurée est satisfaisante.

Tableau 1 : base de calcul de l’IDH

Dimensions du développement humain

Indicateurs retenus

Balises fixées

Pondérations

attribuées

Longévité et santé

Espérance de vie à la naissance

25 et 85 ans

1/3

Savoir

Taux d’alphabétisation des

adultes (pondération 1/3)

0 et 100

1/9

Taux de scolarisation

des enfants (pondération 2/3)

0 et 100

2/9

Niveau de vie décent

PIB par habitant en PPA ($ US)

100 et 40000

1/3

 

Apport de l’IDH

Depuis 1990 et même de façon rétrospective, le PNUD calcule l’IDH pour l’ensemble des pays pour lesquels l’information pertinente est disponible. Sur la base de cet indicateur, un classement international annuel est effectué. Trois groupes de pays sont généralement constitués : les pays à développement humain élevé (ceux dont l’IDH est supérieur à 0,8), les pays à développement humain moyen (ceux dont l’IDH est compris entre 0,507 et 0,799) puis les pays à développement humain faible (ceux dont l’IDH est inférieur à 0,5).

En général, et sur plusieurs années, le classement selon l’IDH est assez proche du classement selon le PIB par habitant. Ces deux variables sont sans surprise fortement corrélées. Cependant, les correspondances entre les valeurs du PIB par habitant et de l’IDH ne sont pas toujours vraies. En effet, on retrouve des pays avec des PIB par habitant très comparables mais avec des valeurs de l’IDH bien différentes. De ce fait même, et à partir des classements selon ces deux mesures, plusieurs pays ont un classement meilleur en terme de PIB par habitant alors que pour d’autres c’est l’inverse qui se produit.

Sur la base de l’évolution et des variations des valeurs de l’IDH (dans le temps et dans l’espace) on peut caractériser, au moins en partie, les performances des pays en matière de certaines dimensions du développement et déduire les écarts en la matière. L’analyse sur le long terme de l’évolution des valeurs de l’IDH permet aussi de mettre en évidence les différentes trajectoires empruntées par différents pays en matière de développement humain. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’IDH est devenu une référence en la matière.

Une autre caractéristique intéressante de l’IDH, inhérente à sa définition, c’est qu’il peut être calculé au niveau de différentes strates relatives à des sous groupes de la population ou encore à des espaces géographiques d’intérêt sur la base de données pertinentes. Pour le calcul au niveau de ces strates, chacune est traitée comme s’il s’agissait en fait d’un pays. Les strates dont il s’agit ici peuvent être construites selon le niveau du revenu, les régions économiques ou encore administratives, le milieu de résidence (urbain-rural) ou encore selon le sexe des individus, … etc. Les mesures de l’IDH au niveau national puis désagrégées selon les strates permettent d’approcher et de mettre en évidence les écarts entre les strates considérées d’une part et entre celles-ci et le niveau national qui pourrait être pris comme référence dans ce contexte d’autre part. Lues de certaines façons, ces mêmes mesures pourraient influencer ou aider à orienter la formulation de politiques en matière de développement et la mise en place de mesures pour réduire les écarts entre les strates. Ces mesures désagrégées peuvent aussi servir comme base pour la formulation d’un plaidoyer des responsables ou des défenseurs de certaines strates de la population pour exiger des responsables plus de ressources et/ou plus d’attention.

Par ailleurs, comme l’IDH n’est qu’une moyenne arithmétique sur le plan statistique, il peut être facilement adapté pour intégrer d’autres composantes du développement humain. Les mesures et indicateurs ajustés conduiraient naturellement à la modification des pondérations utilisées à la base et peuvent être orientées pour refléter d’autres options de politiques économiques.

Dans ce sens, les ajustements éventuels à apporter à l’IDH pourraient inclure l’augmentation de la portée des indicateurs déjà existants. Ainsi et à titre d’exemple, l’indicateur relatif à l’espérance de vie pourrait être ajusté pour refléter séparément, d’une façon ou d’une autre, les taux de mortalité maternelle ou encore des enfants de moins de cinq ans. La composante revenu ou encore PIB pourrait être adaptée, selon des techniques appropriées, pour refléter les situations de chômage associées, la dégradation du capital naturel associé, le type de la production couverte, l’incidence de la pauvreté liée à ce niveau de revenu national moyen, le coefficient d’inégalité associée, …etc. L’indicateur de la composante éducative pourrait enfin être ajusté pour intégrer par exemple la qualité de l’enseignement à différents niveaux.

Mais ce faisant et avec tous ces ajustements, l’IDH ne perdrait-il pas ses caractéristiques de base dont la simplicité ?

 A propos des limites de l’IDH

Bien qu’étant indéniablement plus qualitatif que le PIB (ou PIB par tête) et qu’il représente une avancée significative dans la définition d’un indicateur synthétique de développement, l’IDH est loin d’être exempt de critiques.

En effet, tel que défini, l’IDH ne peut absolument pas être considéré comme un indicateur de développement durable. Ainsi, même s’il a été conçu et mis de l’avant par le PNUD, qui a été aussi en grande partie derrière le concept du développement durable justement, l’IDH n’intègre et n’apporte aucune information sur les aspects fondamentaux de ce type de développement : l’environnement et le bien-être des générations futures. Sa conception théorique et les indicateurs élémentaires qu’il intègre n’ont aucune vision du long terme et c’est là certainement une grande limite de l’IDH. Pour avoir une idée sur les conséquences du développement, mesuré par l’IDH, sur l’environnement et aussi sur le monde qu’auraient les générations futures il faut toujours croiser, de façons très indirectes et approximatives, les niveaux de l’IDH avec ceux d’autres indicateurs de pressions et de dégradation des ressources non renouvelables.

Par ailleurs, et dans un autre ordre d’idées et par définition, l’IDH est borné supérieurement à 1. Prise de façon directe et brute, cette borne risque d’être interprétée comme étant la limite de ce que l’on peut atteindre en matière de bien-être collectif au niveau d’un espace donné (un pays par exemple). Il est par contre clair que ceci n’est pas du tout vrai. En effet, déjà au niveau global ou macroéconomique, cette valeur n’a qu’une portée relative par rapport à des standards de vie. Ensuite, et au niveau individuel ou microéconomique, dans le même espace considéré, ce qui serait considéré comme un sommet en termes de bien-être collectif peut ne pas correspondre au véritable bien-être individuel d’une large partie de la population du même espace géographique. Plusieurs exemples peuvent être listés à ce niveau.

En plus de ces critiques plutôt fondamentales, l’IDH est aussi sujet à d’autres critiques techniques que nous introduisons à travers une série de questions :

- d’abord, il est légitime de se poser la question relative au nombre réduit de dimensions du développement humain retenues par l’IDH (trois dimensions). Sont-elles suffisantes pour rendre compte de ce concept très large ?

- en plus, prises ensemble ces trois dimensions ne sont-elles pas fondamentalement redondantes ?

- à supposer que ces trois dimensions soient suffisantes, les indicateurs ou variables retenues pour les approcher sont-elles les plus appropriées pour chacune des trois dimensions ?

- deux des trois dimensions retenues dans le calcul de l’IDH (l’espérance de vie et l’alphabétisation des adultes) n’évoluent que très lentement. Comment cet indicateur peut-il alors rendre compte des efforts des pays dans les domaines sociaux associés ? Les classements qui en découlent ne sont-ils pas alors plutôt figés d’une année à l’autre ?

- dans la logique du calcul de l’IDH, les pondérations retenues pour les trois dimensions (et aussi pour les sous-dimensions) ne sont-elles pas plutôt ad hoc et arbitraires ? Comment les valeurs de l’IDH et les classements qui en découlent sont elles sensibles aux modifications de ce système de pondérations ? Pourquoi ne pas les rendre endogènes aux données sur une base scientifique et objective ?

- certaines bornes ou balises utilisées dans les calculs des indicateurs élémentaires de l’IDH ne sont-elles pas aussi arbitraires que les pondérations utilisées ? Si ces bornes sont modifiées entre les années, ceci ne compliquerait-il pas l’appréciation de l’évolution du phénomène approché ?

- comme les données de base utilisées dans les calculs de l’IDH changent et mises à jour, au moins pour certaines composantes et/ou pour certains pays, les valeurs successives dans le temps de l’indicateur sont-elles alors vraiment comparables ? Les améliorations éventuelles de l’indicateur, année après année pour certains pays, reflètent-elles alors des améliorations réelles en termes de développement humain ou sont-elles plutôt dues aux simples modifications et aux raffinements des données ?

-comme les procédures de calcul de l’IDH se basent principalement sur les données statistiques collectées (au moins indirectement) auprès des administrations des pays concernés, ou encore auprès de quelques organisations internationales (la Division de la Population des Nations Unies pour l’espérance de vie à la naissance, l’Institut de statistique de l’Organisation des Nations-unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour le taux d’alphabétisation des adultes et les ratios bruts d’inscription dans les différents niveaux de l’enseignement et la Banque mondiale pour le PIB par habitant (PPA US$)), ces mesures ne sont-elles pas sujettes à des manipulations ou du moins à des erreurs d’observation et d’estimation qui fausseraient toutes les comparaisons dans le temps et dans l’espace ?

- quelle est la fiabilité des comparaisons effectuées sur la base de l’IDH lorsqu’un grand nombre de pays ne dispose pas des données nécessaires pour l’un ou l’autre des indicateurs élémentaires du calcul de l’IDH ? Quel est le niveau de confiance à attribuer aux estimations et aux approximations faites au niveau de ces pays pour ces indicateurs ?

- en résumé l’IDH est-il suffisant pour mesurer le niveau de développement d’un pays ? est-il une bonne base de comparaison entre les pays en la matière ?

- l’IDH peut-il refléter les disparités ou encore renseigner sur les niveaux des inégalités en matière de distribution de richesses, celles mesurées par le PIB par exemple ?

Les réponses explicites ou implicites à ces questions conduisent naturellement à remettre en question l’IDH, d’abord sur le plan conceptuel, ensuite sur le plan technique et enfin au niveau des comparaisons internationales.

Dans ce sens, et parmi les réponses plutôt probables, on enregistrerait le fait que l’IDH ne peut pas exprimer toutes les dimensions d’un concept aussi vaste et large que le développement humain qu’il a bel et bien cherché à approcher à la base. C’est en fait pour cette raison que le PNUD lui même à mis en place d’autres indicateurs complémentaires. 

3- Indicateurs du Doing Business : présentation, pertinence et limites

Il y a maintenant huit ans fût lancé le projet Doing Business. Son objectif général de base a été d’étudier la situation et l’environnement des petites et moyennes entreprises dans un ensemble de pays en étudiant les mesures et aspects réglementaires auxquelles elles font face. Les enquêtes de base réunissent les éléments pertinents pour apprécier la réglementation qui régit les affaires et la vie des entreprises dans chaque pays.

Le premier rapport de type Doing Business a été publié en 2003 et couvrait cinq types d’indicateurs pour les entreprises cibles de 133 pays à travers le monde. Le dernier rapport de ce même type (Doing Business 2010) couvre quant à lui 183 pays après l’ajout de deux pays (Chypre et Kosovo) par rapport à l’avant dernier rapport.

Doing Business est maintenant une série de rapports annuels publiés par la Banque mondiale avec l’appui de la Société Financière Internationale. Ces rapports décrivent et quantifient, à travers un ensemble d’indicateurs, les réglementations qui facilitent ou favorisent la pratique des affaires mais aussi celles qui la compliquent comme la bureaucratie à laquelle se heurtent les petites et moyennes entreprises durant leur cycle de vie.

Les unités statistiques de base des enquêtes conduites pour l’élaboration des rapports Doing Business sont des sociétés à responsabilité limitée. C’est en principe la forme juridique dominante dans la plupart des pays.

Les indicateurs calculés sur la base des travaux de ce projet sont devenus des outils de référence normalisés et constituent des bases de comparaisons internationales entre les pays en la matière. L’évolution dans le temps des niveaux de ces indicateurs rendent aussi compte des améliorations enregistrées en la matière au niveau de chaque pays.

· Dimensions, indicateurs retenus, méthodologie et données de base

En 2010 et plusieurs années avant, le rapport Doing Business couvre les réglementations relatives à dix dimensions de la vie d’une petite ou moyenne entreprise. De façon précise, le rapport couvre les dimensions suivantes : la création de l’entreprise, l’octroi de licence, l’embauche des travailleurs, le transfert de propriété, l’obtention de prêts, la protection des investisseurs, le paiement des taxes et des impôts, le commerce transfrontalier, l’exécution des contrats et la fermeture de l’entreprise. Pour chacune de ces dimensions, des indicateurs sont conçus pour approcher les performances et déterminer les réformes qui auraient été efficaces.

Pour raffiner les concepts et les indicateurs relatifs à chacune des dimensions retenues, l’équipe de Doing Business s’appuie sur les conseils, orientations et écrits des organisations internationales comme par exemple l’Organisation internationale du travail.

Sur le plan technique, et étant donné l’objectif ultime des rapports établis, certains indicateurs se calculent sur la base de pondérations, parfois biaisées et plus orientées vers certaines dimensions.

La plupart des indicateurs calculés et utilisés dans les rapports Doing Business sont basés sur les lois et règlements en vigueur dans chaque pays. Les indicateurs relatifs aux coûts sont généralement appuyés par des données officielles. En concertation avec l’équipe de Doing Business, constituée généralement de 4 personnes au niveau de chaque pays, les enquêtés remplissent des questionnaires en citant les lois, les juridictions et les règlements en place. En cas d’absence de lois, certains éléments se fondent directement sur les pratiques courantes. Les constats et réponses sont complétés par des avis d’experts et de spécialistes selon chacune des dimensions étudiées. La méthode de collecte utilisée se démarque ainsi nettement de celle habituellement utilisée dans les enquêtes auprès des entreprises.

Pour justifier cette approche, le manuel d’utilisation de Doing Business précise à titre d’exemple qu’« un avocat d’affaires qui inscrit entre 100 et 150 entreprises par an au registre du commerce est mieux familiarisé avec la procédure qu’un entrepreneur qui le fera tout au plus une ou deux fois. Un juge en matière commerciale qui gère des douzaines de liquidations judiciaires par an en sait plus sur la question des faillites qu’un entrepreneur ».

Pour mieux approcher et estimer les différents délais Doing Business décompose chaque processus ou formalité (comme par exemple la création d’une entreprise et son exploitation légale) en plusieurs étapes distinctes.

De façon générale, les méthodes de calcul des indicateurs sont directes et simples. Elles se basent sur des moyennes pondérées des sous-indicateurs traduits en positions relatives sur une échelle de pourcentages, puis sur des classements élémentaires. Selon les auteurs du dernier rapport, d’autres méthodes plus sophistiquées ont été essayées (variables latentes, composantes principales en particulier) et les résultats en termes de classement ont été presque les mêmes que ceux obtenus en n’utilisant que des moyennes plutôt basiques.

Pour pouvoir construire des séries chronologiques suffisamment longues de certains indicateurs, des rétroprojections sont parfois faites. Année après année, les calculs intègrent des corrections et ajustements méthodologiques basées essentiellement sur les recours des pays et sur des vérifications confirmées.

 · Portée de l’approche et des indicateurs

Les rapports Doing Business présentent simultanément les niveaux absolus des indicateurs calculés pour chaque pays ainsi que les niveaux relatifs ou encore les classements sur les échelles de ces indicateurs comparativement aux autres pays.

Ces indicateurs très intéressants, ne couvrent bien sûr pas l’exhaustivité des domaines choisis, mais incitent les responsables à agir pour améliorer ce qu’il est possible d’améliorer. Statistiquement, les classements selon les indicateurs de Doing Business sont assez corrélés avec ceux obtenus par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) relativement à la réglementation des marchés des biens et avec ceux construits sur la base de l’indice de la compétitivité mondiale, établi par le Forum économique mondial (FEM) et l’Annuaire de la compétitivité mondiale. Ces corrélations peuvent parfois être interprétées comme des causalités simples ou bidirectionnelles entre le climat des affaires et la compétitivité par exemple. Des liens sont aussi recherchés et même supposés entre ce climat des affaires le développement et la baisse de la pauvreté.

Pour appuyer la recherche de liens dans ce sens, il est avancé que les petites et moyennes entreprises sont certainement un vecteur très important de la création de richesses, de croissance et de création d’emplois, notamment dans les pays en développement, malgré la lourdeur du secteur informel dans ces pays. La bureaucratie et les problèmes de la réglementation peuvent aussi empêcher le développement de ces entreprises et bloquer ainsi tout ce processus.E

 ·  Limites des indicateurs et des comparaisons

Il est clair que les dimensions couvertes par Doing Business ne sont pas exhaustives. Ce fait doit être pris en compte lors de l’interprétation des résultats et des classements qui en découlent.

Ainsi, et à titre d’exemple, les dimensions intégrées ne couvrent pas les aspects conjoncturels de l’activité économique qui pourraient avoir un impact sur les entreprises et/ou qui pourraient influencer les indicateurs cibles. D’autres dimensions au moins aussi importantes que ces dernières et à caractère non conjoncturel sont aussi ignorées. Il s’agit en particulier de la sécurité des affaires, de la stabilité macroéconomique du pays, de l’étendue de la corruption, de la disponibilité des compétences professionnelles en matière de main-d’œuvre, de la solidité des institutions et de la qualité des infrastructures en place, de la solidité du système financier, de la réglementation du marché des capitaux, etc.

Par ailleurs, la série d’indicateurs retenus dans les enquêtes et rapports de Doing Business ne couvrent donc pas tous les aspects de la réglementation dans un pays. En effet cette réglementation peut être soit complexe, soit à dimensions multiples (régions). A l’inverse en cas d’absence de lois, plusieurs éléments se fondent directement et simplement sur les pratiques courantes dans le pays en question. Ce fait introduit à ne pas en douter une part de subjectivité dans les jugements apportés et remet en question la fiabilité de certains indicateurs.

Un peu dans le même ordre d’idées, une hypothèse importante mais très implicite admise dans les rapports Doing Business suppose que les responsables des entreprises enquêtées connaissent toutes les législations et toutes les dispositions réglementaires en vigueur et à différents niveaux dans le cycle de vie de l’entreprise. Or, au moins pour une grande partie des pays en développement, cette hypothèse est loin d’être vérifiée. Pour les responsables des petites et moyennes entreprises, le coût d’accès à l’information juridique et légale peut être très grand à l’occasion et contraint ainsi ces unités à rester dans l’informel à la marge du développement potentiel. Les équipes de Doing Business travaillent en général avec des juristes pour améliorer ces aspects.

Une autre limite importante des indicateurs et des comparaisons de Doing Business vient du fait que les indicateurs calculés se basent sur le seuls cas de petites (ou moyennes) entreprises des plus grandes villes ou centres urbains des différents pays. De ce fait, les informations recueillies sont difficilement généralisables et peuvent ne pas du tout représenter la réglementation en place dans d’autres villes ou régions du pays. C’est en particulier le cas pour de grands pays où les réglementations peuvent changer d’une région à l’autre à l’intérieur d’un même pays. Autrement dit, les tailles des pays font que l’approche utilisée pour calculer les indicateurs risque de conduire à de mauvaises comparaisons et appréciations à cause des tailles très hétérogènes des pays considérés.

Il est bien sûr possible de dépasser là aussi ce problème (comme pour l’IDH) en produisant ces mêmes indicateurs à des niveaux plus désagrégés ou sous-nationaux. C’est ce qui a été justement fait pendant certaines années dans des études infranationales pour une dizaine de pays (le Brésil, la Chine, la Colombie, l’Égypte, l’Inde, le Kenya, le Maroc, le Mexique, le Nigéria et les Philippines).

L’autre dimension de la critique reste par contre toujours posée. En effet les statistiques de base et indicateurs ne sont relatives qu’à un seul type de structure juridique des entreprises (la société à responsabilité limitée) et qui aurait une taille donnée. Pour certains pays, les réglementations peuvent ne pas être les mêmes face à d’autres formes d’entreprises ou encore pour des entreprises d’autres tailles.

Par ailleurs et globalement les informations compilées pour calculer les indicateurs des rapports Doing Business sont celles relatives à des études de cas et pas à de larges échantillons qui couvriraient l’hétérogénéité éventuelle entre les entreprises. Pour cette raison certains aspects rapportés par les rapports et indicateurs de Doing Business ne seraient pas statistiquement robustes et ne représenteraient pas les problèmes auxquels font face les petites et moyennes entreprises. 

4- A propos des rapports pays des organisations internationales

Une autre base de comparaisons internationales en termes de performances économiques et sociales est constituée des rapports pays de certaines organisations internationales. Il s’agit en particulier des rapports de la Commission européenne, de l’OCDE, du PNUD, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, de l’Agence française de développement (AFD), … etc.
 
Ces rapports sont généralement établis par des équipes de recherche parfois mixtes (internationales et nationales) et traitent des problématiques précises, tantôt macroéconomiques, tantôt sectorielles et parfois thématiques (sociales ou autres) selon l’organisation.
 
Les analyses conduites dans ces rapports sont en général beaucoup plus profondes et plus informatives que les simples calculs d’indicateurs synthétiques ou composites. Ces mêmes analyses procèdent souvent à des comparaisons dans le temps (calculs de différents taux de variations) et dans l’espace à travers des comparaisons entre des pays ayant des profils plutôt comparables, ce qui est beaucoup mieux que les longues listes d’indicateurs qui regroupent tous les pays du monde.
 
En général, ces rapports ont des objectifs assez précis. Lorsqu’ils sont bien faits, ils commencent par décrire en profondeur et le mieux possible le contexte de la problématique traitée. Des cadres analytiques assez solides sont aussi présentés (parfois en annexes ou du moins indiqués et bien référencés) puis utilisés pour traiter les questions d’intérêt. Ces rapports examinent et synthétisent un grand nombre de travaux de recherches relatifs au pays en question et à d’autres comparables. Ils examinent et mettent en évidence les lacunes à différents niveaux (données et approches). Ils calculent enfin et mettent à jour plusieurs indicateurs et procèdent à des comparaisons pertinentes.
 
Dans les analyses conduites, les principaux déterminants des évolutions sont recherchés et des évaluations, même sommaires, des impacts sont tentées. Des recommandations en termes de politiques économiques sont alors formulées en se basant sur les « bonnes pratiques » observées à travers le monde.
 
Comme ces travaux sont faits, au moins en partie, dans les pays concernés même et parfois par des experts et consultants nationaux, une plus grande attention est généralement accordée à la qualité des données utilisées qui se retrouvent alors plus fiables que celles utilisées dans l’élaborations des indicateurs synthétiques comme l’IDH ou encore ceux de Doing Business par exemple.
 
Le temps d’élaboration de ces rapports peut être plus ou moins long et reste fonction de la problématique traitée et de la constitution de l’équipe de rédaction en place (en nombre et en profils).
 
Cependant et malgré la grande importance de ces rapports, ils sont en général pas du tout, peu ou mal exploités. Dans certaines situations, ils sont purement et simplement censurés. Les responsables prétextent parfois que ces rapports sont trop agressifs et/ou compliqués ou complexes pour les ignorer.

5- A propos des conséquences des classements internationaux sur les politiques nationales

Depuis plusieurs années maintenant, et avec la prise de conscience croissante de la complexité des problèmes économiques et sociaux et leur caractère global, les gouvernements des différents pays, ceux en développement en particulier se préoccupent d’une façon ou d’une autre de leurs postions relatives et classements.

Ainsi et assez souvent, les responsables attendent les dates de publication des différents rapports pour les utiliser, parfois politiquement, s’ils sont en leur faveur ou encore pour les contester, critiquer et rejeter, pour une raison ou une autre, leur contenu.

En cas de rejet des classements et des contenus des rapports, et en général, la première réaction des gouvernements est de remettre en question les données de base utilisées au moins pour leurs pays respectifs. Mais, après les remises en cause un peu à chaud des résultats des rapports, de façon implicite ou explicite, les classements produits influencent dans plusieurs cas les décisions et initient des réformes plus ou moins importantes. Dans les cas favorables et positifs, les responsables commencent par étudier les cas réussis à travers le monde pour s’en inspirer autant que possible.

Dans un autre ordre d’idées, ces mêmes rapports et classements sont souvent attendus par les universitaires et les journalistes des différents pays qui y trouvent matières à analyses et commentaires. Les débats qui découlent au niveau de chaque pays augmentent la pression sur les gouvernements qui se trouvent parfois obligés d’agir dans le sens des réformes et des améliorations des composantes élémentaires des indicateurs synthétiques.

A titre d’exemple, et selon le rapport de Doing Business 2010, 287 réformes ont été enregistrées dans 131 pays en une année (entre juin 2008 et mai 2009). 38 pays ont effectué au moins trois réformes dans les domaines couverts et étudiés par Doing Business. En matière de ces réformes, il semble qu’il y a un effet de contagion entre les pays voisins ou d’une même région. Les différents pays s’échangent les expériences et les pratiques et s’alignent les uns sur les autres pour rester compétitifs.

Les réformes mises en place dans ce contexte touchent la facilitation de la création et le fonctionnement d’une entreprise, le renforcement des droits de propriété et l’amélioration de l’efficacité de la résolution des litiges en affaires et les procédures de faillite.

Dans la pratique, les réformes entreprises ont visé la mise en place de guichets uniques, l’accélération du commerce transfrontalier et l’enregistrement des propriétés foncières, la réduction des retards aux frontières, le traitement des différents goulots d’étranglement observés à différents niveaux pour réduire les délais.

De façon générale, les réformes adoptées font partie de programmes plus globaux et visent à améliorer la compétitivité économique des entreprises des pays réformateurs. Comme ce sont les pays en développement qui sont en retard en la matière, ce sont eux qui mettent en place le plus de réformes simplificatrices des formalités bureaucratiques.

Dans le cadre de ces mêmes réformes, plusieurs initiatives internationales (avec d’institutions et organisations internationales) ont été mises en place pour accompagner techniquement les pays réformateurs et les aider dans leurs processus de réformes. Les pays en développement ont été les premiers bénéficiaires de ces initiatives. L’idée motrice derrière ces initiatives a été que si les bonnes conditions sont réunies, de simples mesures ou réformes peuvent enclencher un processus autoentretenu de développement.

Dans le cadre des réformes générales en matière de développement, qui conduisent à l’amélioration des différents indicateurs, certains pays en développement ont même fixé des horizons par « devenir totalement développés » (La Malaisie s’est fixé l’an 2020). D’autres, en regardant leur évolution sur les échelles de certains indicateurs de développement, se sont fixé un horizon plus rapproché pour faire baisser de façon très significative les niveaux de pauvreté sous toutes ses formes et déploient des efforts dans ce sens. D’autres pays enfin se lancent même des défis comme devenir des carrefours de technologies avancées dans certaines régions ou encore des centres financiers de pointe.

Il faut cependant noter que plusieurs réformes mises en place n’ont rien à voir avec les rapports ni avec classements émis. Ce sont plutôt des réformes qui s’imposaient d’elles mêmes compte tenu des autres dynamiques économiques, sociales, institutionnelles et démocratiques que plusieurs pays connaissent ces dernières années. Des interférences entre les résultats des différents effets sont très probablement présentes à ce niveau et il serait vraisemblablement faux d’attribuer toutes les initiatives et réformes aux rapports et classements internationaux.

C’est particulièrement le cas en temps de crises comme celles vécues ces deux ou dernières années. En effet, dans le cadre de programmes d’atténuation des effets de ces dernières plusieurs pays ont été amenés à mettre en place des réformes qui touchent de façon directe l’environnement des entreprises. Elles avaient comme objectifs, entre autres, la réduction des contraintes administratives. Ces réformes amélioreraient les classements des pays sur certains indicateurs mais ce ne sont pas ces classements qui auraient initié ces réformes.

Il faut par ailleurs noter que la promulgation d’une réforme sur le plan légal ou juridique ne signifie pas qu’elle est bien conduite dans la pratique. Pour qu’elle soit opérationnelle et efficace, toute nouvelle législation doit être bien expliquée aux intéressés et adoptée par ces derniers. Or ceci n’est pas toujours le cas dans plusieurs pays en développement. Les réformes du même type que celles prônées par le PNUD ou par Doing Business par sont probablement nécessaires mais ne sont certainement pas suffisantes.

Ce fait doit être pris en compte lors de l’interprétation des résultats et des classements qui en découlent.

Ainsi, et à titre d’exemple, les dimensions intégrées ne couvrent pas les aspects conjoncturels de l’activité économique qui pourraient avoir un impact sur les entreprises et/ou qui pourraient influencer les indicateurs cibles. D’autres dimensions au moins aussi importantes que ces dernières et à caractère non conjoncturel sont aussi ignorées. Il s’agit en particulier de la sécurité des affaires, de la stabilité macroéconomique du pays, de l’étendue de la corruption, de la disponibilité des compétences professionnelles en matière de main-d’œuvre, de la solidité des institutions et de la qualité des infrastructures en place, de la solidité du système financier, de la réglementation du marché des capitaux, etc.

Par ailleurs, la série d’indicateurs retenus dans les enquêtes et rapports de Doing Business ne couvrent donc pas tous les aspects de la réglementation dans un pays. En effet cette réglementation peut être soit complexe, soit à dimensions multiples (régions). A l’inverse en cas d’absence de lois, plusieurs éléments se fondent directement et simplement sur les pratiques courantes dans le pays en question. Ce fait introduit à ne pas en douter une part de subjectivité dans les jugements apportés et remet en question la fiabilité de certains indicateurs.

Un peu dans le même ordre d’idées, une hypothèse importante mais très implicite admise dans les rapports Doing Business suppose que les responsables des entreprises enquêtées connaissent toutes les législations et toutes les dispositions réglementaires en vigueur et à différents niveaux dans le cycle de vie de l’entreprise. Or, au moins pour une grande partie des pays en développement, cette hypothèse est loin d’être vérifiée. Pour les responsables des petites et moyennes entreprises, le coût d’accès à l’information juridique et légale peut être très grand à l’occasion et contraint ainsi ces unités à rester dans l’informel à la marge du développement potentiel. Les équipes de Doing Business travaillent en général avec des juristes pour améliorer ces aspects.

Une autre limite importante des indicateurs et des comparaisons de Doing Business vient du fait que les indicateurs calculés se basent sur le seuls cas de petites (ou moyennes) entreprises des plus grandes villes ou centres urbains des différents pays. De ce fait, les informations recueillies sont difficilement généralisables et peuvent ne pas du tout représenter la réglementation en place dans d’autres villes ou régions du pays. C’est en particulier le cas pour de grands pays où les réglementations peuvent changer d’une région à l’autre à l’intérieur d’un même pays. Autrement dit, les tailles des pays font que l’approche utilisée pour calculer les indicateurs risque de conduire à de mauvaises comparaisons et appréciations à cause des tailles très hétérogènes des pays considérés.

Il est bien sûr possible de dépasser là aussi ce problème (comme pour l’IDH) en produisant ces mêmes indicateurs à des niveaux plus désagrégés ou sous-nationaux. C’est ce qui a été justement fait pendant certaines années dans des études infranationales pour une dizaine de pays (le Brésil, la Chine, la Colombie, l’Égypte, l’Inde, le Kenya, le Maroc, le Mexique, le Nigéria et les Philippines).

L’autre dimension de la critique reste par contre toujours posée. En effet les statistiques de base et indicateurs ne sont relatives qu’à un seul type de structure juridique des entreprises (la société à responsabilité limitée) et qui aurait une taille donnée. Pour certains pays, les réglementations peuvent ne pas être les mêmes face à d’autres formes d’entreprises ou encore pour des entreprises d’autres tailles.

6Conclusion

Les rapports et les classements internationaux, produits annuellement par différentes organisations, ont indéniablement dynamisé les débats et les analyses dans différents domaines. Leurs publications donnent lieux à des discussions très intéressantes, parfois passionnantes dans plusieurs pays. Les comparaisons internationales auxquelles ils conduisent ont dernièrement pris une place très importante, parfois trop importante, dans le débat public et médiatique.

Il faut dire que grâce à leurs formulations statistiques synthétiques, les indicateurs, base de ces classements sont certainement plus adaptés que les analyses unidimensionnelles pour apprécier les états et/ou les évolutions de phénomènes complexes et effectuer des comparaisons dans le temps et entre les pays.

En terme de finalité, ces indicateurs et ces classements cherchent à attirer l’attention de tous les décideurs et intervenants sur des faits, des situations et des tendances importantes relatives à différents domaines de l’activité économique, sociale et autres, dans le but d’influencer, au moins en partie, les politiques à mettre en place.

Ces mêmes indicateurs sont à l’occasion érigés comme des références normalisées et des cibles de différentes politiques économiques et sociales. Dans cette perspective, leurs évolutions rendent compte des améliorations enregistrées au niveau de chaque pays (dans l’absolu et en comparaison avec d’autres). Les déficits en la matière sont aussi déduits et les efforts à fournir peuvent être approchés.

Dans les meilleurs des cas, les niveaux absolus des indicateurs et les classements déduits, tout comme les recommandations des différents rapports généralement établis, sont à la base de plusieurs réformes dans plusieurs domaines à travers le monde.

Au niveau de leurs utilisations, ces indicateurs ne sont pas neutres. Ils sont parfois interprétés comme étant des signaux sur les ordres de priorité parfois latents et qui sont naturellement différents à travers les pays.

Cependant, tous ces indicateurs et les classements générés ne sont pas exempts de critiques parfois fondamentales aux niveaux conceptuel et technique. Les institutions qui les élaborent sont constamment questionnées sur leur pertinence pour approcher ce qu’ils cherchent à mesurer à la base et surtout ce qu’ils n’arrivent pas à couvrir dans leurs domaines respectifs.

Ces questions et mêmes les réponses, explicites ou implicites qui sont parfois apportées, conduisent à des remises en question permanentes. C’est particulièrement le cas de l’IDH et de l’indicateur Doing Business. Il en résulte qu’il est globalement difficile de justifier le choix des dimensions à retenir pour décrire de façon convenable un domaine complexe par nature. Il en est de même des indicateurs à retenir pour représenter ces dimensions tout comme des méthodes techniques d’agrégation et des pondérations des indicateurs partiels qu’elles impliquent. Chacune de ces étapes recouvre indiscutablement une part plus ou moins grande de subjectivité voir d’arbitraire.

Mais, et exactement pour ces mêmes raisons, que quelles que soient les améliorations à apporter à la confection des indicateurs en place et même ceux nouveaux qui peuvent être conçus, des critiques semblables peuvent toujours être reformulées.

Finalement on peut conclure qu’on ne peut plus se passer de ces indicateurs ni des classements associés malgré leurs limites. Ils sont devenus presque indispensables pour donner des images même partielles ou incomplètes des phénomènes approchés. Des améliorations conceptuelles et techniques sont certes nécessaires et possibles. A ne pas en douter, les critiques seront toujours présentes.

 

Références bibliographiques

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Centre d’étude et de recherches démographiques (CERED) (2000), « Les indicateurs de suivi et d’évaluation de la politique de population au Maroc », Rapport de la commission supérieure de la population.

Philippe DEFEYT (2004), « Le social et l’environnement: des indicateurs alternatifs au PIB », Cahier de recherche de l’institut pour un développement durable, source : http://users.skynet.be/idd/documents/divers/indicalt.pdf.

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), (2009) « Lever les barrières : Mobilité et développement humains » Rapport mondial sur le développement humain 2009, source : http://www.uns.st/undp/fr/download/HDR_2009_FR_Complete.pdf.

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) (2009), « À propos du PNUD », source : http://www.undp.org/publications/fast-facts/about-undp-fr.pdf.

World Bank (2010), « About Doing Business », training november 3, 2009, Source : http://www.doingbusiness.org/documents/presentations/DB-2010-training-basics.ppt

 

Par ailleurs et globalement les informations compilées pour calculer les indicateurs des rapports Doing Business sont celles relatives à des études de cas et pas à de larges échantillons qui couvriraient l’hétérogénéité éventuelle entre les entreprises. Pour cette raison certains aspects rapportés par les rapports et indicateurs de Doing Business ne seraient pas statistiquement robustes et ne représenteraient pas les problèmes auxquels font face les petites et moyennes entreprises.