La ville poreuse
Auteur : Bernardo Secchi ET Paola Viganò
Dans cet ouvrage, présenté en quatre parties, les deux chercheurs ont pris au mot le philosophe ; ils ont fait de la porosité un outil d’analyse et de projet qui « traverse l’épaisseur de l’agglomération parisienne et qui interroge son futur ». La ville poreuse est une image qui construit des échanges entres différentes disciplines, acteurs et individu. Il s’agit en même temps d’un concept précis qui évoque la possibilité du mouvement et des flux ainsi que celui d’une image qui peut traverser plusieurs langages et paradigmes gardant une clarté suffisante pour alimenter d’autres images et d’autres concepts.
1. La métropole du 21 ème siècle.
L’ouvrage commence par une réflexion sur les principales caractéristiques de « la nouvelle question urbaine » et de la spécificité de la métropole parisienne par rapport à d’autres métropoles. Partant des similitudes qui subsistent entre différentes agglomérations, les auteurs atterrissent sur les particularités qui caractérisent l’évolution de chacune, et qui font la spécificité des solutions que devra apporter chaque métropole aux problèmes liés aux inégalités sociales, aux changements climatiques et aux problèmes de mobilités. Ils postulent ainsi que l’innovation et l’invention sur le terrain sont intrinsèques à la disposition de chaque métropole à réagir aux problèmes considérés prioritaires et à les mener de front.
2. La métropole des 21 ème siècles de l’après Kyoto : Scenarios.
La seconde partie de l’ouvrage est une illustration de quatre « scenarios » ou explorations dans un futur possible. Pour les auteurs, lorsqu’on agit dans « l’incertitude », la meilleurs stratégie de construction de l’avenir est de partir de l’élaboration de différents scenarios qui ouvrent une perspective, interrogeant le futur et évaluant les conséquences des politiques, actions et projets possibles.
Au préalable, le scenario 0 est constitué par les nombreux projets en cours et déjà engagés qui déterminent les trajectoires possibles et avec lesquelles toute idée doit cohabiter même si elle se révèle antagoniste
Les quatre autres scenarios étudient les possibilités d’atteindre dans la métropole Parisienne une situation 100% durable (scenario 1), les opportunités d’y vivre avec l’eau (scenario 2), d’y construire un système écologique fort à partir du dross[1] (scenario 3), d’y passer d’un système de transport en commun vertical et hiérarchisé à un système isotrope[2] et horizontal (scenario 4).
Ces scenarios permettent d’interpréter la métropole existante et d’imaginer celle à venir. Le Grand Paris comme une ville poreuse, perméable et isotrope, est une vision qui contraste fortement avec les processus en cour d’exclusion / inclusion et de formation d’enclaves ; elle permet d’atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto et les différents Grenelle de l’environnement[3] .
3. Un projet de ville poreuse.
Cette partie est une exploration concrète de ce que peut être une ville poreuse : une ville dense en lieux significatifs, qui donne de l’espace à l’eau et aux échanges biotiques, où la biodiversité se diffuse par percolation et les parcs rapprochent au lieu de séparer et qui se transforme par stratification en accueillant différentes idiorythmies. En d’autres termes, l’hypothèse avancée est que les principaux problèmes auxquels toutes les métropoles du 21ème siècle devront se confronter seront ceux des inégalités sociales, de l’énergie, de la gestion des eaux, de l’utilisation des zones résiduelles que chaque génération a laissé en héritage et, in fine, le besoin d’un nouveau système de mobilité qui puisse désenclaver le territoire.
Une nouvelle structure spatiale.
La dernière partie avance l’hypothèse que la ville poreuse ne peut être atteinte par la structure spatiale actuelle de la métropole, responsable en grande partie de ses maux. Cette hypothèse est confrontée à la réalité par l’étude d’une liaison écologique et métropolitaine entre Sceaux et la Seine, qui traverse les sites d’Orly Rungis et Seine Amont démontrant comment ces stratégies peuvent opérer dans le « réel ». Une approche radicale se dessine donc à la hauteur du « pari du Grand Paris », un défi que devra affronter toute grande métropole à l’avenir.
La substance de ce livre se veut faite d’hypothèses plutôt que de certitudes, hypothèses guidant à la formulation des politiques et des projets pour une métropole du 21ème siècle où il sera possible de « vivre ensemble » , elle soulève des problèmes liés à la gouvernance et aux contraintes que rencontre toute formulation de projet, où concertation et gouvernance deviennent souvent des négociations de contingents.
Certes, la question de la transposition de cette étude sur des cas particuliers se pose, mais face à une globalisation qui pénètre tous les recoins des sociétés et des territoires actuels, peut-on encore se cantonner à une défense jalouse voire injustifiée de nos spécificités ? En somme, pour des questions d’ordre social, économique, environnemental et spatial, sommes-nous si différents que cela ?
Par : Chennaoui Med Mehdi (Architecte-enseignant d’E.A.C)
[1] Dross : Espaces résiduels (carrières, sites d’usine, vieillissantes…)
[2] Isotrope : L'isotropie caractérise l’invariance des propriétés physiques d’un milieu en fonction de la direction. Le contraire de l’isotropie est l’anisotropie.
[3] Le Grenelle de l’environnement désigne le processus de concertation lancé en 2007 dont le but était de réunir divers représentants (membres du gouvernement, des associations professionnelles et des ONG d’orientations politiques diverses) pour définir ensemble une politique environnementale et de développement durable en France..