L’unité de base au cœur du système éducatif

L’unité de base au cœur du système éducatif

Toute réforme du système éducatif (les programmes ; les méthodes pédagogiques ; les langues ; etc.), quelle qu’en soit la profondeur, nécessite, pour sa réussite, un terreau fertile et des conditions d’application favorables à tous les niveaux du système. Sans une gouvernance efficiente et favorable à la mise en œuvre d’un modèle pédagogique donné, aucune réforme ne peut aboutir. Pire encore, en raison d’une mauvaise gouvernance, la réforme peut même être remise en cause, voire décriée alors que, sur le fond, elle peut être intéressante.

C’est exactement ce qui s’est passé depuis plus de trente ans. Plusieurs réformes se sont succédé. À chaque fois, leurs auteurs font un diagnostic de la situation, proposent des plans d’actions, mais ils sont confrontés à la réalité des résultats limités.

Dans cette réflexion, le modèle de gouvernance proposé est structuré autour de trois composantes concentriques.

La gouvernance micro – l’unité de base : autonomie, responsabilité et redevabilité

Si l’on transpose au système éducatif, la notion de business unit très largement répandue en management des organisations, son équivalent serait l’établissement scolaire (l’école maternelle, l’école primaire, le collège et le lycée) comme unité de base de gestion pédagogique permettant d’optimiser la valeur ajoutée apportée à l’élève et d’améliorer l’efficience du système.

Le corollaire direct de cette transposition est l’autonomie de l’unité de base qui devrait toucher tous les aspects pédagogiques, la gestion des ressources et l’accompagnement des acteurs.

L’autonomie réelle permettrait de responsabiliser tous les acteurs en définissant clairement leurs missions, leurs prérogatives et les limites de leurs actions.

L’autonomie permettrait également à l’unité de base de se donner une identité et d’élaborer son projet d’établissement, impliquant tous les acteurs et créant un sentiment d’appartenance affirmé qui serait source d’efficacité et d’épanouissement individuel et collectif, notamment chez les élèves. Par ailleurs, elle peut être source d’émulation et de compétition positive entre les différents établissements, et partant source de richesse et de développement de l’ensemble du système.

Cependant, l’autonomie est basée sur deux principes fondamentaux : la responsabilité et la redevabilité (ou le contrôle a posteriori). Le premier principe suppose un suivi et un accompagnement ciblé par des instances dédiées et avec des instruments efficaces. Quant au principe de redevabilité, il s’accomplit à travers trois dimensions (pédagogie, ressources, acteurs) pourvues des normes et procédures définies au préalable.

Il est à noter que les réformes engagées jusque-là l’ont été dans un mode de gouvernance basé sur des principes tout à fait à l’opposé (aucune responsabilisation ou contrôle a priori).

Gouvernance méso : régulation et intermédiation des instances régionales

Concernant ce niveau, il est question autant des académies, des délégations que des structures élues au niveau de la région et de la ville. Ce sont des structures d’accompagnement et de régulation intermédiaires qui auraient pour principales missions, dans un premier temps, de définir la vision régionale en termes d’orientations éducatives et, dans un second temps, de coordonner au niveau de la région l’action éducative avec les autres actions économiques, socioculturelles et environnementales et chercher ainsi à optimiser les influences mutuelles de l’école et de son environnement.

En tant que garantes de la cohérence des orientations régionales (en termes, notamment économique, avec tout ce qui a trait aux cultures locales, à la répartition géographique, de gestion de la ville, etc.), les instances régionales devraient s’assurer de l’impact positif de l’unité de base sur les territoires en créant les instruments pour rendre celle-ci impactante.

Gouvernance macro : orientations stratégiques du ministère de tutelle

Dans cette vision de la gouvernance éducative, l’application de l’autonomie et des principes y afférents devrait s’accompagner par le retrait du ministère de la gestion opérationnelle des unités de base pour se concentrer davantage sur la stratégie nationale et coiffer l’ensemble du système éducatif.

Le ministère définit, diffuse et met en œuvre la vision stratégique et les orientations générales du système éducatif national dans son ensemble, dans le cadre du projet social du pays. Par ailleurs, il définit les composantes et les contours du mode de gouvernance en mettant en place les outils de suivi, de pilotage et d’évaluation des unités de base.

De même, il est appelé à soutenir la recherche scientifique, stimuler et encadrer la réflexion pédagogique, concernant aussi bien les programmes et leurs contenus que les méthodes et outils pédagogiques à mettre à la disposition des unités de base. Il définit également les grandes orientations en matière des formations initiales et continues pour accompagner les enseignants et les encadrants.

Il est clair qu’il s’agit là des grandes lignes de ce que pourrait être un mode de gouvernance efficient du système éducatif marocain. L’avantage de ce mode de gouvernance réside dans la focalisation de toutes les énergies sur l’unité de base qui est au cœur de l’acte pédagogique. Il a également le mérite d’être évolutif et donc facile à implémenter.