Vers un partenariat public-privé dans la recherche

Vers un partenariat public-privé dans la recherche

 

La recherche et l’innovation jouent un rôle primordial dans le développement d’un pays. Le lien de causalité révélé entre le développement économique et le développement scientifique est aujourd’hui incontesté et aucun pays ne semble échapper à cette « loi » (Banque mondiale, 2003 ; Mouline et Lazrak, 2005). Les orientations actuellement engagées par le Royaume en matière d’éducation se saisissent des enjeux ainsi mis en exergue, et le Maroc entend bien réussir son développement vers une société de l’information. Si l’ambition est haute, les mesures prises en ce sens doivent pallier un déficit général constaté dans le champ de la recherche. En effet, qu’il s’agisse de recherche fondamentale ou appliquée, les relations entre acteurs publics et privés demeurent très faibles et leur développement lacunaire. Déconnexion de la recherche scientifique du monde de l’entreprise ; absence de liens formels entre les services recherche et développement (R&D) des entreprises et les universités ; faible valorisation des résultats de recherche et des publications ; insuffisance des financements alloués aux programmes de recherche, en constituent autant d’exemples.

Afin de nourrir cette aspiration et ainsi poser les jalons d’une « économie de la connaissance et du savoir », il convient – par le biais des mesures entreprises – de permettre de manière conjointe l’émergence d’entreprises dans des secteurs à fort contenu technologique et le développement d’un système éducatif et de recherche performant.

Parmi les objectifs assignés à la réforme de l’enseignement supérieur, il est clairement souhaité une implication plus affirmée du secteur privé dans les actions de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique au Maroc. L’un des fils conducteurs de la réforme est de favoriser une formation à la recherche qui puisse, à moyen terme, consolider les capacités scientifiques du pays et, à long terme, par ses effets d’entraînement, permettre l’élaboration de projets de développement associant significativement universités et entreprises.

D’ailleurs, la prospective stratégique inscrite dans la réforme de structuration et de valorisation de la recherche marocaine, ainsi que de son insertion dans son environnement socioéconomique, est de nature à favoriser des partenariats entre les établissements d’enseignement supérieur et les entreprises. Mais les problèmes de pilotage, du financement du secteur de la recherche et l’absence d’une vision stratégique nationale associant les partenaires privés au développement de la science et de la technologie au Maroc limitent le développement de logiques d’action convergentes entre les acteurs publics et privés de la recherche.

L’organisation de la recherche se caractérise par une multiplicité d’acteurs

Aujourd’hui, le panorama de la recherche paraît très hétérogène. En principe, le système national de la recherche fondamentale et appliquée est conduit dans différents organismes publics et/ou privés appartenant aux universités et ministères (agriculture, pêche, mines et énergie…) qui, souvent, sont également dotés de leurs propres structures de coordination sur le plan de la recherche. Mais d’autres structures existent dans l’échiquier de la recherche dont les rôles se recoupent en termes de valorisation, de coordination et d’évaluation de la recherche scientifique et technologique (l’Académie Hassan II des sciences et techniques, le Centre national pour la recherche scientifique et technique, le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique…).

Un financement majoritairement réalisé grâce aux fonds étatiques

Au Maroc, les activités de recherche au sein des universités sont financées essentiellement par l’État. En effet, la Dépense intérieure brute de recherche et développement (DIRD), qui représente la part du PIB consacrée à la recherche et développement, demeure très faible (passant de 0,3% à 0,7% entre 1999 et 2010) et en deçà du 1% prescrit par la réforme. Notons que la vision stratégique du Maroc pour l’horizon 2025 consiste à porter l’effort de recherche et développement à plus de 3% du PIB.

 

Bien que la part des dépenses privées dans la DIRD a augmenté considérablement entre 1999 et 2010 passant de 6,9% à 29,9%, le financement basé sur les fonds publics demeure prépondérant et favorise la recherche fondamentale tandis que celui assuré par la coopération internationale privilégie des thématiques de recherche souvent définies par les pays partenaires plutôt que par les entités de recherche marocaines.

Une recherche concentrée sur quelques grands organismes et universités et déconnectée des besoins de l’environnement socio-économique national

La recherche au Maroc se caractérise par une forte concentration sectorielle de sa production. Les domaines de recherche concernent essentiellement les sciences de l’ingénieur, la physique, les mathématiques et la chimie. Par ailleurs, une absence de participation des entreprises aux projets de recherche est fortement déplorable, ces projets étant pour la plupart orientés vers la recherche fondamentale. En effet, selon l’enquête recherche et développement R&D Maroc 2005, très peu d’entreprises sous-traitent leurs travaux d’innovation et de R&D aux laboratoires de recherches publiques ou ont une relation avec l’université, et ce, malgré une évolution positive des activités de R&D dans les entreprises (de 1,4 % à 1,6 % du chiffre d’affaires)1.

La valorisation de la recherche et la consolidation du lien recherche/entreprise 

La réforme fournit un cadre susceptible de stimuler la recherche partenariale. Elle intègre la question de la valorisation des résultats de la recherche en mettant en place des dispositifs de valorisation ou de facilitation des transferts de technologies et des savoir-faire. Parmi les objectifs affichés, figure en bonne place l’implication plus affirmée du secteur privé dans les actions de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique du pays.

La réussite de la réforme suppose, au préalable, un engagement de la part du gouvernement marocain sur le plan des ressources humaines et financières, une réflexion concertée avec les régions, la mise en place d’une coopération internationale sur ces enjeux, ainsi que la mise en place effective d’un partenariat avec les entreprises.

Les déclinaisons de partenariats public-privé demeurent timides. Elles s’illustrent à travers quelques actions, notamment :

L’Institut marocain de l’information scientifique et technique, créé dans le cadre du Plan quinquennal 2000-2004, vise à contribuer au renforcement et à la mise à niveau du tissu économique national dans la perspective de mieux faire face à la compétitivité internationale.

Des programmes et projets instaurés pour favoriser les interrelations université-entreprise : le Programme d’appui à la recherche scientifique (PARS), le Programme de mise en place des pôles de compétences, les Programmes thématiques d’appui à la recherche scientifique (PROTARS I, II et III), le Programme d’appui à l’édition, le Programme d’appui aux manifestations scientifiques, le Programme de soutien à la recherche de base, le Réseau MARWAN, les bourses de recherche et les projets d’établissement en matière de recherche.

Le développement de partenariats public-privé souffre de nombreuses limites. D’une part, la recherche scientifique peine à sortir du cadre purement académique pour aller vers le monde de l’entreprise. D’autre part, malgré les incitations, les entreprises, quand elles peuvent, développent davantage leurs départements R&D qu’elles ne sollicitent les savoir-faire des universités. Il conviendrait donc de rompre avec les cultures d’actions traditionnellement en place dans les sphères publique et privée afin de développer des actions convergentes.

Il existe sans aucun doute des possibilités de développement de partenariats public-privé. Le transfert de technologies ainsi que les partenariats entre les sphères industrielles et académiques devront rendre plus lisible la recherche scientifique marocaine et la préparer à de nouvelles perspectives (de type Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, politique de site…). Pour cela et en vue d’encourager les entreprises à travailler avec les établissements d’enseignement supérieur où est réalisée la recherche, il y a lieu de :

  • Compte-tenu de la nature du tissu industriel marocain, rassembler des PME pour former une masse critique d’entreprises liées dans un domaine d’activité pour mutualiser leurs efforts de recherche.
  • Inciter le secteur privé à accroître ses propres investissements technologiques et renforcer l’attractivité de l’investissement dans la R&D en accordant des avantages fiscaux.
  • Proposer des procédures d’aide aux entreprises pour soutenir leurs travaux de R&D et leur développement technologique.
  • Créer des cellules de transfert et de valorisation, des incubateurs dans les établissements d’enseignement supérieur.
  • Mettre en place en amont des systèmes d’information des porteurs de projets potentiels, notamment vers les universités et vers les équipes de recherche.
  • Proposer des soutiens à la commercialisation des technologies développées dans les universités

Note:

Estime (2007, novembre). Enquête qualitative sur le dispositif institutionnel et les dynamiques de l’innovation dans les entreprises au Maroc.

Références:

Mellakh, K. (2007). Rapport de l’enquête qualitative sur le dispositif institutionnel et les dynamiques de l’innovation dans les entreprises au Maroc. Rapport pour ESTIME (avril 2007). Casablanca, 32 p.

Kleiche, M.D et Waast, R. (2008). Le Maroc scientifique. Paris : Éditions Publisud, 312 p.

Banque mondiale (2003). Rapport sur le développement humain dans le Monde arabe.

Mouline, M.T. et Lazrak, A. (2005). Rapport sur les perspectives du Maroc à l’horizon 2025. Pour un développement humain élevé. 50 ans de développement humain & perspectives 2025.

MENESFCRS (2006). Vision et stratégie de la recherche Horizon 2025.

Waast, R., Rossi, P.L. (2008, 21 février). La production scientifique du Maroc. Données récentes. Communication faite en séance plénière à l’Académie Hassan II des sciences et des techniques.Rabat.